Le magazine des prestataires de services pour les personnes ayant besoin de soutien. ARTISET À la une Citoyenneté politique et participation sociale Édition 03 I 2022 Ce qu’il faut mettre en oeuvre pour assurer les soins de longue durée jusqu’en 2040 Le film «La Mif» fait débat: entretien avec la protagoniste Claudia Grob Une institution montre qu’il est possible d’associer emploi et activités de loisirs
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ARTISET 03 I 2022 3 Éditorial «Le pouvoir d’intégration de notre système politique ne peut se déployer que si des personnes avec des capacités et des intérêts les plus divers y participent.» Elisabeth Seifert, rédactrice en chef Chère lectrice, cher lecteur, Tandis que je rédige ces lignes, partout en Suisse on discute du pour et du contre des quatre objets nationaux qui seront soumis à la votation populaire le 25 septembre. Deux questions, surtout, alimentent les débats: l’âge de la retraite des femmes doit-il être relevé à 65 ans? Et l’élevage des animaux doit-il répondre à des exigences plus strictes? Ce sont là des sujets importants qui nous préoccupent toutes et tous et sur lesquels, en tant que citoyennes et citoyens, nous pouvons influer. Cela concerne quiconque dispose des droits politiques et les exerce effectivement. La possibilité de participer à la définition des conditions-cadres de notre vie a été pour moi, à l’époque, la principale raison qui m’a poussée à demander la nationalité suisse en tant qu’étrangère avec un permis d’établissement. Depuis, c’est un grand privilège pour moi de prendre part au processus politique, de m’informer, de me forger une opinion et de la confronter dans la discussion. Cependant, toutes les personnes n’ont pas accès à la participation politique et, avec elle, au sentiment d’être membre à part entière de la société. Non qu’elles ne le veuillent pas, mais parce que nous les en excluons. Ainsi, actuellement, des personnes avec des troubles cognitifs ou psychiques n’ont pas l’exercice des droits politiques. C’est en totale contradiction avec la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (page 10). Également en contradiction avec la CDPH, le fait que de nombreuses personnes en situation de handicap ne peuvent pas prendre part au processus politique faute de soutien nécessaire pour ce faire. C’est aussi le cas de nombreuses personnes âgées qui ne se sentent plus capables de participer ou qui estiment que c’est désormais inutile. Le pouvoir d’intégration de notre système politique ne peut pourtant se déployer que si des personnes avec des capacités et des intérêts les plus divers, avec des situations de vie différentes, y prennent part, lancent leurs idées et les soumettent à la discussion. Cela favorise la compréhension et le respect pour des positions différentes et renforce le potentiel de développement pour la société et pour chaque individu. Les articles de cette édition racontent comment les personnes ayant besoin de soutien parviennent à faire entendre leur voix et leurs opinions, et ce que la société pourrait entreprendre pour les soutenir dans leur participation politique. Les prestataires de services ont une responsabilité particulière. À cet égard, l’espace citoyen créé par la Fondation Eben-Hézer Lausanne avec la Maison de quartier de Chailly est exemplaire, invitant les personnes avec et sans handicap à discuter des objets politiques, dont, tout récemment, la réforme de l’AVS (page 14). Tout à fait passionnants sont aussi les travaux de recherche en Suisse romande qui démontrent l’importance de la citoyenneté politique pour la qualité de vie des personnes âgées en EMS (page 20). La participation au sein des institutions constitue un premier pas essentiel vers la participation politique, qu’il s’agisse d’institutions pour des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ou des enfants et des jeunes. Photo de couverture: dans la Maison de quartier de Chailly, à Lausanne, des personnes avec et sans handicap ont discuté le 3 septembre dernier de la réforme de l’AVS. Photo: Hélène Tobler
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ARTISET 03 I 2022 5 Sommaire SONT CERTIFIÉES CRADLE TO CRADLE NOS ENCRES D’IMPRESSION Impressum. Rédaction: Elisabeth Seifert (esf), rédactrice en chef; Urs Tremp (ut); Claudia Weiss (cw); Anne-Marie Nicole (amn); France Santi (fsa); Jenny Nerlich (jne) • Correction: Stephan Dumartheray • Éditeur: ARTISET • 1ère année • Adresse: ARTISET, Zieglerstrasse53,3007Berne•Téléphone:0313853333,e-mail:info@artiset.ch,artiset.ch/ magazine • Annonces: Zürichsee Werbe AG, Fachmedien, Laubisrütistrasse 44, 8712Stäfa, téléphone: 044 928 56 53, e-mail:markus.haas@fachmedien.ch•Graphisme et impression: AST&FISCHER AG, Seftigenstrasse 310, 3084 Wabern, téléphone: 031 963 1111 • Abonnements: ARTISET, téléphone: 031385 33 33, e-mail: info@artiset.ch •Abonnement annuel CHF 125.– •Parutions: 8× allemand (4600 ex.), 4× français (1400 ex.) par année • Certification des tirages par la REMP 2022 (pour la version en allemand): 3205 ex. (dont 2989 ex. vendus), réimpression, en tout ou partie, selon accord avec la rédaction et indication complète de la source. À la une 5 Cem Kirmizitoprak, membre du PS, se bat pour sa place et ses droits 10 L’exclusion des droits politiques est encore une réalité en Suisse 14 Le Bla-Bla Vote, un espace citoyen inclusif à Lausanne 18 L’apprentissage de l’engagement politique 20 La participation à la vie politique contribue à la qualité de vie 24 Sensibiliser les enfants et les jeunes à la participation citoyenne Les brèves 28 Les bienfaits des paysages sonores L’actu 30 «La Mif», une fiction qui raconte le quotidien d’un foyer pour jeunes 34 Des représentants d’Artiset évoquent les futurs besoins en soins de longue durée 38 Caring communities: 21 exemples de bonnes pratiques 41 Digitalisation: comment conseiller et accompagner les personnes âgées 47 Concilier emploi et activités de loisirs Espace politique 50 Christian Streit, directeur de Senesuisse Bla-Bla Vote Lausanne Un photo-reportage sur cet espace citoyen inclusif qui a ouvert le débat sur la réforme de l’AVS. 24 30 50
6 ARTISET 03 I 2022 À la une «Je veux faire des projets éléphantesques!» Pose combattive dans le hall de la gare de Saint-Gall: Cem Kirmizitoprak, politicien socialiste, initiateur d’un café-votations inclusif et homme créatif. Photo: cwe
ARTISET 03 I 2022 7 Il ne pouvait pas en être autrement pour Cem Kirmizitoprak: il était prédestiné à une carrière politique. Il arbore un large sourire, boit une gorgée de café et explique, dans le sympathique dialecte saint-gallois, comment c’est arrivé: «Je suis né dans une famille kurde en Turquie, où l’on apprend dès le plus jeune âge qu’il se passe des choses qui ne sont pas correctes. On est donc automatiquement plongé dans la politique.» Cem Kirmizitoprak est en fauteuil roulant électrique suite à une tétraplégie cérébrale. Une raison de plus pour se battre encore et toujours pour sa place et ses droits. Au fil des années, ce trentenaire est devenu un membre actif du PS. «Il y a deux ans, seulement 600 voix m’ont manqué pour entrer au Parlement de la ville», raconte-t-il, avant d’ajouter, sûr de lui: «Aux prochaines élections, ça devrait passer.» Et sans quota de personnes en situation de handicap, dont il ne veut pas entendre parler: «Après, tu ne sais même pas si les gens te trouvent bien!» Il souhaite en revanche une égalité totale. C’est pourquoi Cem Kirmizitoprak, responsable du bureau de conseil pour l’inclusion et fondateur d’un café-votations inclusif, est parfois délibérément rebelle: après la réorganisation de l’association régionale d’aide et de soins à domicile, il s’est immédiatement plaint par le biais d’un communiqué de presse et de posts sur Facebook, critiquant la nouvelle organisation, dont le fonctionnement était si mauvais qu’il a même été oublié à plusieurs reprises alors qu’il était un client quotidien de l’association. Une conseillère municipale l’a agressé verbalement pour avoir rendu public le problème. «Cela m’a rendu extrêmement heureux.» Heureux? «Oui, cela signifie que je suis pris au sérieux.» Pour cela, il s’engage sans répit depuis des années. À 17 ans, bien décidé à s’attaquer de manière concrète aux problèmes de société, Cem Kirmizitoprak est devenu membre de la Jeunesse socialiste. Le handicap et l’immigration ont bien évidemment toujours fait partie de ses revendications, mais pas seulement. «En tant que politique, je souhaite œuvrer pour l’ensemble de la société.» L’inclusion politique concerne tout le monde Il y a quelques années, lorsque des jeunes s’étaient fortement engagés pour que le skatepark de la rue Kreuzbleicheweg soit doté d’un éclairage, il a rapidement soutenu leur revendication, lancé une pétition et déposé 3000 signatures auprès du Parlement de la ville. Cela n’a pas été vain, raconte-t-il avec un large sourire, puisque le skatepark est à présent éclairé. Quant à la question, souvent posée, de savoir pourquoi, en tant que personne en fauteuil roulant, il s’est engagé pour cette cause des jeunes et pour un skatepark qu’il ne pourra jamais utiliser, Cem Kirmizitoprak répond toujours de manière concise: «Nous ne faisons pas de la politique uniquement pour nous-mêmes. Lorsque quelqu’un est exclu, j’agis!» Les questions liées à l’inclusion et à l’implication politique, explique-t-il, ne concernent pas uniquement les personnes en situation de handicap, mais aussi les jeunes, les personnes issues de l’immigration, les femmes, et bien d’autres groupes. Cem Kirmizitoprak s’engage en faveur de l’égalité à tous les niveaux et estime que la participation à la vie politique ne signifie pas seulement «pouvoir être élu», mais aussi «voter et pouvoir s’informer sans avoir besoin d’un doctorat pour comprendre les objets soumis au vote». Pour lui, il n’est pas question d’organiser des événements exclusifs. Pour son café-votations, par exemple, il n’a pas hésité à collaborer avec Easyvote, un groupe qui réalise des brochures simplifiées pour expliquer le contenu des votations aux jeunes: «Grâce à cette collaboration, non seulement les personnes en situation de handicap, mais aussi les jeunes, et parfois même leurs parents, se sentent concernés.» C’est donc un événement pour tout le monde, conformément à son objectif d’inclusion totale. Ce café politique s’est tenu pour la troisième fois le 1er septembre dernier. Son déroulement est déjà bien établi: Easyvote présente chaque objet soumis au vote en vingt minutes, puis deux responsables politiques, de gauche et de droite, s’expriment. «Ce n’est pas une manifestation du PS, mais de l’inclusion», précise Cem Kirmizitoprak. Son café- votations reçoit un soutien financier de la part du canton de Saint-Gall jusqu’à l’année prochaine. Il réfléchira ensuite à la manière de continuer à le financer. Mais au moins, affirmet-il en souriant, il a réussi à lui donner un écho. S’engager pour une éducation juste Cem Kirmizitoprak n’est pas du genre à attendre que la Confédération, les communes ou les institutions fassent les choses pour lui: il s’engage, et on ne peut pas le faire taire. «Je suis Cem, socialiste, militant pour l’égalité et homme d’action», énonce-t-il clairement. Un conseiller municipal saint-gallois l’a une fois surnommé, en plaisantant, «Cems Bond, agent pour l’inclusion». Ce jeu de mots lui a Âgé de 30 ans, Cem Kirmizitoprak est membre actif du PS, responsable d’un bureau de conseil pour l’inclusion et l’initiateur d’un café-votations inclusif. L’inclusion, revendique-t-il, doit avoir lieu à tous les niveaux. Pour cela, il se bat avec beaucoup d’énergie et de créativité. Claudia Weiss
Les médias parlent abondamment des chefs célèbres. En revanche, les restaurateurs des cuisines collectives, qui fournissent chaque jour des prestations exceptionnelles avec autant de créativité, de savoir-faire et de passion, ne sont guère souvent évoqués. Le Swiss SVG-Trophy met en lumière les performances de ces grands cuisiniers du quotidien. Tous les professionnels de la restauration hospitalière et collective peuvent participer au concours par équipe, dont l’objectif principal est de renforcer l’esprit d’équipe et valoriser l’établissement. Les inscriptions sont ouvertes Dans le cadre de ce concours qui s’intéresse à celles et ceux qui officient d’ordinaire loin des feux de la rampe, et à qui il offre une formidable plateforme, chaque équipe est composée de trois professionnels (cuisinier-ière, pâtissier-ière et un ou une apprentie de 3e année). L’inscription se fait sur la base d’un dossier de candidature dans lequel un menu à trois plats pour 60 personnes est documenté et présenté de manière détaillée. Le jury de la Société suisse des cuisiniers, présidé par Sascha Heimann, évalue les dossiers déposés. Les six équipes sélectionnées pour la finale prépareront leur menu dans leur établissement en février ou mars 2023. Le jury jugera les prestations sur place selon des critères internationaux. L’équipe gagnante portera le titre 2023 de Meilleure équipe suisse dans le domaine de la restauration hospitalière et collective. La date limite d’inscription est fixée au 21 novembre 2022. Vous obtiendrez de plus amples informations en ligne sur svg-trophy.ch Swiss SVG-Trophy: appel aux grands chefs du quotidien PUBLIREPORTAGE Le Swiss SVG-Trophy recherche des professionnels qui oeuvrent dans les cuisines des hôpitaux, homes et restaurants du personnel. A la clé: un repas et une nuitée chez le chef étoilé Tobias Funke. Texte: HGH Fokussieren Sie auf die Potenziale älterer Menschen. Entwickeln Sie gemeinsam mit Ihren Studienkolleg*innen gerontologische Impulse für Ihr Praxisfeld. 21 Studientage | 15 ECTS-Credits Januar bis Oktober 2023 Ihre Weiterbildung zum Thema Alter –kompetent, engagiert, zukunftsweisend: bfh.ch/alter/weiterbildung CAS Gerontologie als praxisorientierte Wissenschaft ‣ Institut Alter Nächste Infoveranstaltung: 17. November 2022 – Online HF Diplom 3-jährige Vollzeitausbildung Dipl. Aktivierungsfachfrau HF Dipl. Aktivierungsfachmann HF Mehr zum Aufnahmeverfahren unter medi.ch Weiterbildungsangebote für Aktivierungsfachpersonen HF (Ermässigung für SVAT-Mitglieder) Zertifikat FAB Fachperson in aktivierender Betreuung Fachverantwortliche/r in Alltagsgestaltung und Aktivierung Mehr zu den Weiterbildungsangeboten unter medi.ch medi | Zentrum für medizinische Bildung | Aktivierung HF Max-Daetwyler-Platz 2 | 3014 Bern | Tel. 031 537 31 10 | at@medi.ch HÖHERE FACHSCHULE FÜR AKTIVIERUNG AM PULS DER PRAXIS > > AKTIVIERUNG
ARTISET 03 I 2022 9 tellement plu qu’il l’a repris pour sa page Facebook. Il veut être considéré comme une personne et pris au sérieux en tant que politique. Le regard vif, il déclare: «J’ai un handicap uniquement si je suis face à un escalier ou si je ne trouve pas de toilettes accessibles en fauteuil roulant.» Dès l’adolescence, ses avis tranchés et ses déclarations déterminées ont souvent choqué. «J’étais un élève dérangeant», avoue-t-il en riant, avec une pointe de fierté. À l’âge de 18 ans, il a presque porté plainte contre le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures. En effet, dans l’école spécialisée qu’il a fréquentée, il n’a de loin pas reçu le soutien auquel il aurait eu droit au vu de ses capacités intellectuelles. Estimant avoir subi un grand préjudice, il a demandé une indemnisation. Lorsqu’il évoque ces obstacles, il a parfois recours à des mots durs. «C’est à vomir», lance-t-il alors sans se gêner. Arrivé en Suisse d’Izmir avec ses parents à l’âge de sept ans, il était en classe avant même le début des cours afin d’apprendre rapidement l’allemand, et ses enseignants affirmaient que c’était un garçon intelligent. Il n’a toutefois pas bénéficié d’un soutien adéquat. Sa scolarité se serait-elle mieux passée s’il avait fréquenté une école ordinaire? «Oui, cela ne fait aucun doute!» Et d’ajouter: «Je n’ai aucun désavantage, si ce n’est le fait que je ne peux pas marcher.» S’il avait bénéficié d’un soutien adéquat, il est convaincu qu’il aurait pu acquérir beaucoup plus tôt et plus facilement toutes les connaissances qu’il a dû réunir ensuite lui-même en suivant de nombreuses formations continues. C’est pourquoi il n’a pas lâché prise avant d’obtenir du canton d’Appenzell 4000 francs «pour améliorer sa grammaire». Une fois sa scolarité terminée, Cem Kirmizitoprak a débuté une formation pratique en industrie. Une solution provisoire qui ne lui plaisait guère: il aurait voulu devenir employé de commerce. Il se fait rapidement remarquer par ses revendications et ses opinions politiques. Il reçoit alors un avertissement de la part de la direction de l’institution. Indigné, il estime que cela n’est rien d’autre que du harcèlement moral. «C’est vrai que c’est inhabituel qu’un jeune de 18 ans exprime ses opinions politiques de manière aussi tranchée», concède-t-il. Il a néanmoins été heureux de pouvoir emménager peu de temps après dans un logement de l’institution Imbodehuus, à Saint-Gall. Il s’est enfin senti compris et a reçu le soutien qui lui avait fait défaut pendant si longtemps. En 2012, il a même été encouragé à organiser sa première manifestation politique avant la votation sur la diminution des prestations complémentaires. Il a réussi à convaincre le Conseil d’État, ce qui a marqué le début de sa carrière en politique. «J’ai vraiment eu un déclic!», se rappelle-t-il. Depuis, plus rien ni personne ne peut l’arrêter. La créativité est nécessaire en politique «Bon, je vais vous montrer comment l’inclusion fonctionne!», a-t-il déclaré, après quatre tentatives infructueuses d’insertion professionnelle. Il a suivi une formation continue en conseil axé sur la recherche de solutions et en gestion des conflits, il a emménagé dans son propre appartement et installé dans son salon son nouveau bureau de conseil pour l’inclusion. Avec sa collaboratrice, qu’il paie lui-même, ils soutiennent des personnes qui se sentent discriminées par des institutions, des services publics ou des tiers, ou qui ont des difficultés à faire valoir leurs besoins. Pour son entreprise, il a préféré la raison de commerce individuelle. Une association, dit-il en secouant la tête, aurait été trop contraignante pour lui. «Mon entreprise est petite, mais mes projets sont grands.» En effet, les idées ne lui manquent pas: actuellement, il joue dans la mise en scène de «Guillaume Tell», par Milo Raus au Schauspielhaus de Zurich, il aide les personnes en quête de conseils relatifs à l’égalité et organise son café politique ou des événements dédiés à des thèmes tels que le handicap et la sexualité. Dans deux ans, il souhaite produire sa propre pièce de théâtre sur ce sujet, portant ainsi un tabou à la scène. Pour l’année prochaine, il prévoit d’organiser une table ronde sur le thème «violence structurelle dans les institutions». Cem Kirmizitoprak fait preuve de vivacité dans ses réflexions et d’imagination dans ses actions. Il possède en outre une bonne dose de confiance en lui. Alors que l’entretien touche à sa fin, il fait un petit tour élégant en fauteuil roulant électrique dans le hall de la gare et pose pour la photo. Son objectif ultime est qu’un jour son bureau de conseil ne soit plus nécessaire car l’inclusion ira de soi. D’ici là, il continuera à se battre sans relâche. «En effet, je ne fais pas de petits projets. Je veux faire des projets éléphantesques!» ➞ Informations: www.beratungsstelle-inklusion.ch Marche collective: «Nous ne vous laisserons pas nous diriger!» 29 novembre 2022, 14 h 00. Lieu de rassemblement: parc St. Leonhardspärkli à Saint-Gall. À la une
10 ARTISET 03 I 2022 À la une Sans pour autant disposer d’un chiffre précis, on peut affirmer qu’en Suisse, un certain nombre de personnes en situation de handicap sont privées de leurs droits politiques. Dans le canton de Genève, une votation pionnière ouvre désormais la voie à un changement de mentalité. Il ne s’agit pas seulement de supprimer les obstacles juridiques mais également les discriminations de fait. Elisabeth Seifert Les droits fondamentaux s’appliquent à toutes et tous, sans exception Les personnes qui sont «interdites pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit» ne disposent pas des droits politiques. Voilà ce qui figure dans l’article 136 de la Constitution fédérale. Un peu plus appropriée quant aux choix des termes utilisés, mais tout aussi claire en ce qui concerne l’esprit de ses dispositions, la loi fédérale sur les droits politiques (LDP) précise qui sont les personnes exclues tant du droit de vote que du droit d’éligibilité: ce sont «les personnes qui, en raison d’une incapacité durable de discernement, sont protégées par une curatelle de portée générale ou par un mandat pour cause d’inaptitude.» Une telle exclusion des droits politiques est en contradiction flagrante avec l’article 29 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées: «Les États Parties garantissent aux personnes handicapées la jouissance des droits politiques et la possibilité de les exercer sur la base de l’égalité avec les autres». À cette fin, les États Parties, parmi lesquels la Suisse depuis près de dix ans, s’engagent «à faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres», ce qui inclut «le droit et la possibilité de voter et d’être élues». Conformément aux dispositions de la CDPH, les personnes en situation de handicap doivent pouvoir exercer librement leur droit de vote et leur droit d’éligibilité. Par ailleurs, elles ne doivent pas être désavantagées dans l’exercice de leurs droits politiques. On ignore le nombre exact de personnes interdites Les personnes concernées par cette interdiction sont essentiellement des personnes en situation de handicap psychique ou cognitif. Faute de statistiques plus précises, les chiffres publiés par la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes (COPMA) permettent de s’en faire une idée: en 2020, en Suisse, 14050 personnes adultes se trouvaient sous curatelle de portée générale et étaient par conséquent généralement privées de leurs droits politiques, que ce soit au niveau national, cantonal ou communal. Dans la pratique, ce chiffre est sans doute légèrement moins important, comme le précise Cyril Mizrahi, avocat auprès d’Inclusion Handicap, la faîtière des organisations de personnes handicapées, et associé de l’étude Droits Égaux Avocat·e·s à Carouge (GE). Maître Mizrahi explique en effet que dans certains cantons romands, ainsi qu’au Tessin, les personnes sous curatelle de portée générale ne sont pas toutes considérées comme durablement incapables de discernement au sens de la LDP et que certaines peuvent donc voter.
ARTISET 03 I 2022 11 Le canton de résidence peut donc être déterminant en termes de droits politiques. Les cantons appliquent en effet des critères différents pour décider si une personne doit être placée sous curatelle de portée générale. La plupart des curatelles de portée générale sont instituées en Suisse romande ou au Tessin. Les cantons de Vaud et de Genève représentant à eux seuls environ un tiers de toutes les curatelles de ce type en Suisse. Ce sont, de l’avis de Cyril Mizrahi, des pratiques qui sont maintenues alors qu’elles n’ont plus vraiment lieu d’être. Pour sa part, Jan Habegger, directeur adjoint d’Insieme Suisse, estime que cela reflète des différences culturelles: cette conception de protection et d’assistance serait plus profondément ancrée en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Modification de la Constitution genevoise «Même si le nombre de personnes interdites est assez restreint, il y en a toujours trop», affirme Cyril Mizrahi. Cette interdiction repose sur l’idée que les personnes qui dépendent d’une curatelle de portée générale pour gérer leur vie quotidienne ne sont pas capables de se forger une opinion politique. Mais c’est faux: «Comme dans le reste de la population, il y a aussi parmi ce groupe de personnes des gens qui veulent être actifs politiquement, et d’autres qui ne sont pas en situation de l’être ou ne ressentent pas le besoin de s’intéresser aux sujets politiques.» Au sens de la CDPH, souligne l’avocat, il est tout simplement inacceptable de refuser à certaines personnes d’exercer ce droit. Cela équivaut en quelque sorte à leur refuser la qualité de citoyenne ou citoyen. Les droits politiques relèvent des droits fondamentaux en démocratie, souligne également Jan Habegger. «Ils doivent être accordés à toutes et tous, peu importe que l’on s’en serve ou pas dans les faits.» Cyril Mizrahi réfute l’argument régulièrement mis en avant qui voudrait que ces personnes seraient aisément manipulables ou pourraient faire le jeu de fraudeurs. «Beaucoup de gens s’appuient sur l’opinion de leur entourage pour prendre une décision.» Pour Jérôme Laederach, qui préside la section genevoise de l’association de branche Insos, il y a toujours un risque que certaines personnes essaient d’imposer leur opinion à d’autres, ou cherchent à les manipuler. «Priver une personne de ses droits politiques dans l’idée de prévenir une fraude éventuelle revient à punir la victime potentielle et non les auteurs de l’infraction», insiste-t-il. Dans le canton de Genève, l’engagement de longue date d’hommes et de femmes politiques comme Cyril Mizrahi, qui siège au Parlement cantonal en tant qu’élu PS, a fini par porter ses fruits: fin novembre 2020, le peuple genevois a approuvé à une très nette majorité une modification de la Constitution cantonale. À Genève, désormais, que ce soit au niveau cantonal ou communal, toutes les personnes en situation de handicap peuvent voter et élire qui elles souhaitent, sans aucune restriction. Suivant l’exemple genevois, des interventions parlementaires visant à permettre à toutes les personnes en situation de handicap d’exercer leurs droits politiques ont été acceptées dans plusieurs cantons, dont les deux Bâle, Neuchâtel et Vaud. Au niveau fédéral, le Conseil des États a approuvé en mars 2021 un postulat en ce sens de Marina Carobbio (PS/TI). Le Conseil fédéral, qui en a pris acte, élabore actuellement un rapport sur le sujet. Les cantons et la Confédération s’engagent ainsi sur une voie que de nombreux pays ont déjà empruntée depuis longtemps, notamment des pays qui nous entourent comme la France, l’Autriche ou l’Italie. Le manque de soutien s’explique aussi par les préjugés Même si plus personne ne se voit interdire d’exercer ses droits politiques, cela ne signifie pas pour autant que tout le monde les exercera ou pourra effectivement les exercer. À l’heure actuelle, un nombre important de personnes en situation de handicap a déjà, au moins en théorie, la possibilité d’exercer ses droits politiques. Mais, dans les faits, nombre d’entre elles en sont exclues. C’est notamment le cas des adultes ayant des troubles cognitifs, un groupe que Jan Habegger estime à environ 60000 personnes. Entre un cinquième et un quart de celles et ceux qui pourraient voter le font effectivement, précise-t-il encore. L’une des principales raisons de ce taux d’abstention, s’accordent à dire les représentant·es des personnes en situation de handicap, est la complexité du matériel de vote. Comme le fait remarquer Jérôme Laerach, d’Insos Genève, «les jeunes ont souvent beaucoup de mal à comprendre les documents de vote, et c’est encore plus difficile pour les personnes en situation de handicap mental». Cette complexité des documents, confirme Jan Habegger, a souvent pour conséquence de décourager les parents et les institutions, qui se sentent bien seuls pour soutenir les personnes intéressées dans leurs prises de décisions politiques. Voilà aussi pourquoi certaines enveloppes de vote ne sont pas ouvertes, quand bien même leurs destinataires auraient pu ou voulu – avec le soutien nécessaire – se faire une opinion. Le manque de soutien est parfois «Même si le nombre de personnes interdites est assez restreint, il y en a toujours trop.» Cyril Mizrahi, avocat à Genève, notamment auprès d’Inclusion Handicap
Ich gehe meinen Weg mit einer Weiterbildung. Natürlich bei ARTISET. • Führung /Management • Sozial- und Kindheitspädagogik • Pflege und Betreuung • Gastronomie /Hauswirtschaft • Selbst- und Sozialkompetenz Fachkurse und Lehrgänge ARTISET Bildung Weiterbildung Abendweg 1, Postfach, 6000 Luzern 6 +41 41 419 01 72 wb@artisetbildung.ch, artisetbildung.ch/weiterbildung Service textile pour le linge des résidents Les vêtements font partie de la personnalité individuelle d’une personne et méritent donc des soins individuels et attentifs. Cela vaut également pour les vêtements des seniors dans lesmaisons de retraite et de soins. Avec le service textile du linge des résidents, bardusch apporte précisément cette individualité dans le traitement et soulage ainsi les institutions. Les vêtements de différentes qualités de tissu exigent un grand savoir-faire en matière de préparation, afin que les résidents s’y sentent bien. Avec le service textile pour le linge des résidents, bardusch décharge les maisons de retraite et les établissements de soins de l’entretien fastidieux du linge privé de leurs résidents. Service de blanchisserie et logistique : simple, fiable, efficace Avant que le service de blanchisserie ne démarre, barduschmarque chaque vêtement d’un codematriciel permanent. Toutes les données importantes du propriétaire y sont enregistrées. Après avoir porté leurs vêtements, les résidents les déposent facilement dans un sac à lingemarqué individuellement et bardusch vient les chercher à un rythme défini. Le linge des résidents est trié, lavé et séché conformément à l’identification des soins et à la couleur. La livraison des vêtements prêts à êtremis en armoire se fait à nouveau dans le sac à linge étiqueté. Avantages du service de blanchisserie de bardusch Les responsables des maisons de retraite et des établissements médico- sociaux bénéficient d’un prestataire de services de blanchisserie qui travaille de manière fiable, économique et avec une exigence de qualité maximale : • Les institutions économisent des investissements dans l’infrastructure de la blanchisserie ainsi que dans les frais de personnel, d’exploitation et d’entretien. • Les procédés de lavage désinfectants soutiennent la prévention des infections dans les institutions. Le système de gestion de l’hygiène chez bardusch est certifié selon la norme EN 14065, (RABC analyse des risques et système de contrôle de la biocontamination). La qualité microbiologique du linge est régulièrement contrôlée et confirmée par des laboratoires indépendants. Enfin, les clients bénéficient d’un partenaire qui pense économiquement et s’engage en faveur du développement durable. Cela implique notamment une technique de lavage et de séchage efficace sur le plan énergétique, une flotte de véhicules aux émissions optimisées et l’utilisation de lessives écologiques. Les produits «Green Line®» utilisés sont certifiés par l’Ecolabel européen, le label de qualité officiel et reconnu dans toute l’Europe pour un respect maximal de l’environnement. Testées dermatologiquement, les lessives sont meilleures pour l’environnement et ont la même efficacité que les produits conventionnels. Bien entretenu en permanence Avec le service textile pour le linge des résidents, bardusch s’occupe de tout ce qui concerne le linge dans les maisons de retraite et de soins. PUBLIREPORTAGE bardusch SA Rue des Petits Champs 6 | CH-1401 Yverdon-les-Bains Tél. +41 24 423 30 80 | info.yverdon@bardusch.ch
ARTISET 03 I 2022 13 aussi dû à des préjugés, remarque Jan Habegger. L’entourage des personnes concernées décide ainsi souvent un peu vite que celles-ci n’ont pas d’intérêt politique parce que les thèmes traités sont trop éloignés de leur cadre de vie. À Genève, se souvient Marina Vaucher, responsable associative chez Insos Genève, ce genre de préjugés avaient également ressurgi avant la votation populaire consacrée à cette question. Même des spécialistes s’étaient montrés critiques par rapport au projet, estimant que la participation de personnes se trouvant déjà en situation de handicap cognitif sévère n’avait pas vraiment de sens et serait trop compliquée. Un point de vue que Marina Vaucher et Jérôme Laederach ne partagent clairement pas. Un café-rencontre «spécial votations» comme aide à la décision Pour que les personnes en situation de handicap puissent, conformément aux dispositions de la CDPH, participer et s’impliquer «effectivement et pleinement, sur la base de l’égalité avec les autres» dans la vie politique, elles ont besoin de soutien. Les initiatives prises entre-temps dans de nombreux cantons et au niveau de la Confédération devraient permettre d’intensifier encore les efforts entrepris sur ce plan. C’est ce que montre l’exemple genevois: la Chancellerie d’État a édité une brochure en langage simplifié destinée à expliquer aux personnes intéressées comment elles peuvent participer aux votations. Une vidéo explicative complète la brochure. La Chancellerie de l’État de Genève considère cependant que l’adaptation en langage simplifié du matériel de vote ne relève pas de ses attributions. Pour quelle raison? Si des informations qui ne seraient pas absolument correctes devaient figurer dans la brochure d’information officielle concernant les votations, ces dernières pourraient être invalidées. Les institutions pour personnes en situation de handicap se sont engouffrées dans la brèche. «Il existe des groupes interinstitutionnels qui traduisent le matériel de vote dans un langage facile à lire et à comprendre», affirme Jérôme Laederach. En prime, précise Marina Vaucher, des efforts ont également été entrepris pour mettre sur pied des «cafés-rencontres» favorisant les discussions sur le contenu des votations. Le modèle utilisé à Genève est celui du Bla-Bla-Vote de la fondation Eben-Hézer à Lausanne (voir page 14). Pour Jan Habegger, ces groupes d’échange et de discussion sont essentiels. En Suisse alémanique également, quelques institutions pour personnes en situation de handicap encouragent la formation politique de leur personnel ou de leurs résident·es. Ce sont essentiellement des institutions dans lesquelles la participation est déjà de règle, par exemple dans le cadre de groupes d’autoreprésentation. Mais, comme le souligne Jan Habegger, l’éducation civique est très peu abordée dans les écoles spécialisées et dans le cadre de la formation professionnelle initiale des personnes en situation de handicap. La Confédération et les cantons n’en sont qu’au début De manière générale, les pouvoirs publics, que ce soit au niveau de la Confédération ou de celui des cantons, n’en font pas encore assez, de l’avis de Jan Habegger. Tout comme Genève, les cantons d’Argovie et des Grisons ont élaboré des instructions de vote. C’est également le cas de quelques communes, comme Uster et Wallisellen dans le canton de Zurich. Au niveau fédéral, Insieme a élaboré, en collaboration avec l’organisation Easyvote, qui promeut la participation politique des jeunes adultes, «Un guide pour voter» en langage simplifié avant les élections fédérales de 2019. Cette brochure a été financée pour moitié par la Confédération. Toujours au niveau fédéral, la Chancellerie est actuellement en train de développer des chablons de vote tactiles en collaboration avec les associations de personnes aveugles et malvoyantes. En revanche, un essai pilote de matériel de vote rédigé en langage simplifié a été abandonné il y a deux ans. Les arguments étaient les mêmes que ceux de la Chancellerie d’État à Genève: une traduction exacte aboutirait à un texte beaucoup trop long. Mais si l’on choisit de réduire la quantité d’informations, on court alors le danger de transmettre un éventuel jugement de valeur. Des arguments que Jan Habegger et Cyril Mizrahi peuvent comprendre sur le fond, tout en estimant que l’État pourrait confier le travail de traduction, contre rémunération, à une organisation. Car, pour eux, l’élaboration du matériel de vote est et reste en premier lieu une responsabilité régalienne. À la une «L’entourage des personnes concernées décide souvent un peu vite que celles-ci n’ont pas d’intérêt politique, parce que les thèmes traités sont trop éloignés de leur cadre de vie.» Jan Habegger, directeur adjoint d’Insieme Suisse
14 ARTISET 03 I 2022 À la une Le Bla-Bla Vote: un espace citoyen inclusif Des personnes avec et sans handicap ont fait le déplacement à la Maison de quartier de Chailly pour échanger et débattre de la réforme de l’AVS, un des objets soumis à la prochaine votation. Depuis sa création en 2016, c’est la septième fois que le Bla-Bla Vote est organisé avant une votation fédérale. Photos: Hélène Tobler
ARTISET 03 I 2022 15 L’histoire commence dans un des foyers de l’institution Eben-Hézer Lausanne où Omar Odermatt travaille comme veilleur de nuit. Autour d’une tasse de thé, ce passionné de politique explique aux résidentes et résidents les sujets soumis à votation. «Comme j’ai fait des études en sciences politiques, j’étais passablement sollicité sur ces thématiques», se souvient Omar Odermatt, coordinateur du Bla-Bla Vote. En parallèle, en 2015, naît le mouvement «Tous Citoyens!» au sein d’Eben-Hézer Lausanne, en lien avec l’adoption par la Suisse de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). S’ensuit une enquête sur les droits politiques et la prise de parole des personnes en situation de handicap. Des lacunes se dessinent. En outre, beaucoup d’éducatrices et éducateurs interpellent Bruno Wägli, directeur adjoint d’Eben-Hézer Lausanne, sur la suite à donner aux enveloppes de vote envoyées à l’institution. «Beaucoup terminaient à la poubelle», explique Bruno Wägli. «C’est alors que j’ai eu vent des discussions que Omar Odermatt entretenait avec les résidents.» Désireux d’apporter une réponse aux failles observées, le directeur adjoint sollicite par conséquent Omar Odermatt pour qu’il applique son concept novateur à Eben-Hézer Lausanne. Un partenariat gagnant Le projet est donc lancé en 2015. Mais pour que l’idée puisse réellement prendre forme, l’institution lausannoise toque à la porte de la Maison de Quartier de Chailly. «Eben-Hézer Lausanne fait partie intégrante du quartier», souligne Omar Odermatt. «Les résidents de l’institution sont donc considérés comme des habitants du quartier, la notion d’habitant est essentielle.» Cette prise de contact tombe à point nommé. La Maison de Quartier de Chailly ne dispose en effet pas encore de projet en lien avec la citoyenneté. «Une maison de quartier est un lieu d’animation dont le but est de permettre aux personnes de créer des liens sociaux et de développer des idées», rappelle Nadège Marwood, animatrice socioculturelle de la Maison de Quartier de Chailly et coordinatrice du Bla-Bla Vote. «Favoriser la participation à la vie citoyenne et collective fait partie de nos missions.» Le premier Bla-Bla Vote voit ainsi le jour en 2016. Les membres du projet s’attèlent à développer concept et méthodologie afin que l’outil puisse éventuellement être transmis à d’autres institutions désireuses de mettre sur pied un forum citoyen similaire. Le Bla-Bla Vote s’ouvre à tout le monde indépendamment de son droit de vote. «Personnes étrangères, en situation de handicap, enfants, jeunes ou encore citoyennes et citoyens suisses qui auraient le droit de vote, le Bla-Bla Vote peut être utile pour tout le monde», affirme Nadège Marwood. Même pour les Helvètes, la compréhension des courriers d’explication des votations peut se révéler une tâche ardue tant les termes employés sont techniques. «Le Bla-Bla Vote peut ainsi aider le plus grand nombre.» Fruit d’une collaboration entre Eben-Hézer Lausanne et la Maison de Quartier de Chailly, le Bla-Bla Vote est un espace citoyen qui permet aux habitantes et habitants du quartier de Chailly de se faire une opinion sur un objet fédéral soumis à votation. Rencontre avec ses deux coordinateurs et un membre de la direction d’Eben-Hézer Lausanne. Anne Vallelian BLA-BLA VOTE SUR LA RÉFORME DE L’AVS Ils sont une vingtaine, habitantes et habitants du quartier et résidentes d’Eben-Hézer, à avoir fait le déplacement à la Maison de quartier de Chailly, ce samedi 3 septembre, pour participer au Bla-Bla Vote, le septième du genre depuis sa création en 2016. Au débat du jour: la réforme de l’AVS, soumise au vote populaire le 25 septembre. Pour en parler, Nadège Marwood et Omar Odermatt, qui coordonnent et animent cet espace citoyen inclusif, ont fait appel à Faustine Tsala, présidente des Jeunes du Centre Vaud, et Emmylou Maillard, présidente des Jeunes UDC Vaud, qui défendent la réforme, ainsi qu’à Claire Jobin et Danielle Axelroud, membres de la Grève féministe Vaud, qui y sont opposées. Parmi le public, notons la présence de Yvette Jaggi, une figure socialiste vaudoise bien connue, qui a siégé à Berne et qui fut la première femme syndique de Lausanne. Tout au long du débat, Omar Odermatt reformule, si nécessaire, les questions et les interventions en langage facile, pour les personnes présentes dans le public, mais aussi pour celles qui ne peuvent pas se déplacer et qui peuvent écouter le podcast du débat, disponible quelques jours plus tard sur «L’Écho des Chavannes», la webradio d’Eben-Hézer Lausanne. ➞ www.radio.eben-hezer.ch
16 ARTISET 03 I 2022 Ateliers de préparation Avant chaque Bla-Bla Vote, les deux responsables organisent une séance de préparation avec les résidentes et résidents. «Cette étape est importante. Elle a pour but de les accompagner pour qu’ils puissent participer au Bla-Bla Vote dans les meilleures conditions et dispositions», affirment Omar Odermatt et Nadège Marwood. Ensemble, ils choisissent un objet de votation en suivant plusieurs critères de sélection. «Nous essayons de choisir un thème qui a un impact sur eux et qui soit le plus accessible possible. Nous sélectionnons des sujets polémiques. Plus les avis sont tranchés, plus il est facile pour eux de se faire une opinion.» Pendant cette séance de préparation, les intervenantes et intervenants invités au débat sont présentés. Afin de leur expliquer l’objet de vote choisi, le binôme a recours au langage FALC (Facile à Lire et à Comprendre). «Dans l’intention de faciliter la compréhension, nous n’hésitons pas non plus à utiliser les vidéos de présentation des objets sur YouTube et à passer les films au ralenti.» À l’issue de cette séance, toutes et tous formulent ensemble les questions qui seront adressées aux personnes invitées au moment du débat. «Cette phase est essentielle», appuie Bruno Wägli. «Lors du premier Bla-Bla Vote en 2016, les résidents n’avaient pas suivi d’atelier de préparation et avaient été en décalage par rapport aux autres habitants du quartier.» Pour qu’ils puissent y participer au mieux, un soutien en amont est nécessaire. «Ils ne regardent pas forcément les informations à la télévision ou n’écoutent pas la radio. Cet espace citoyen qu’est le Bla-Bla Vote est un moyen de leur donner accès à l’actualité et de mieux comprendre la politique.» En moyenne, c’est une dizaine de personnes qui viennent à ces ateliers de préparation, souvent DES PARTENAIRES ENGAGÉS Rattachée à la Fondation Eben-Hézer, l’institution Eben-Hézer Lausanne se donne pour mission de promouvoir le bien-être et le développement des personnes qu’elle accueille. «Nous promouvons également un regard positif sur les personnes en situation de handicap et mettons nos compétences au service de leur participation et de leur inclusion dans la société au sens large», explique Bruno Wägli, le directeur adjoint. L’établissement propose aussi diverses prestations à ses résidentes et résidents: hébergement, ateliers de travail, centre de jour et activités sportives ou de loisirs. Créée en 2008, la Maison de quartier de Chailly est un lieu d’animation socioculturelle qui fait aujourd’hui partie des symboles de la participation citoyenne et de la capacité de la population d’un quartier à s’organiser pour améliorer le vivre ensemble et pour renforcer les liens sociaux et l’intégration. ➞ www.m-q-c.ch ➞ www.eben-hezer.ch À la Maison de quartier de Chailly, la coordinatrice du Bla-Bla Vote Nadège Marwood rappelle, en langage simple, les grandes lignes de la réforme de l’AVS telle que soumise à la votation populaire. «Nous avons instauré une Bla-Bla Charte qui prône le respect de la diversité des opinions et la bienveillance.» Nadège Marwood et Omar Odermatt, responsables de la coordination du Bla-Bla Vote
ARTISET 03 I 2022 17 redline-software.ch www.arbeitsheim.ch Bei uns erhalten Rohstoffe eine zweite Chance! Wir verwandeln gebrauchtes Verpackungsmaterial in Badesalz-Säckli und Recycling-Holz in Kinderspielzeug. Auf der Suche nach einem sinnvollen Geschenk hergestellt mit Herz? Schauen Sie bei uns vorbei oder nehmen Sie mit uns Kontakt auf. Annonce des habituées. «Elles se sentent considérées et sont reconnues avant tout comme des habitantes de Chailly. C’est précieux», s’enthousiasment les deux responsables de la coordination. Cette séance est aussi l’occasion d’évoquer et de débriefer le dernier Bla-Bla Vote. «Il est primordial de recueillir leurs impressions pour améliorer les Bla-Bla Vote suivants.» Des politiques qui jouent le jeu Le jour du débat à la Maison de Quartier de Chailly, c’est le public qui questionne en premier les personnes invitées. «Notre rôle est d’accompagner, modérer, reformuler si besoin les questions du public et les réponses des invités, ou encore de soutenir les résidents dans la lecture de leurs notes.» Un cadre a également été élaboré par les membres du projet. «Nous avons instauré une Bla-Bla Charte qui prône le respect de la diversité des opinions et la bienveillance.» La particularité du Bla-Bla Vote? «Il se construit à partir des questions du public!» Les personnes invitées, quant à elles, reçoivent la consigne de simplifier au maximum leurs propos. «Les retours des politiciennes et politiciens sont très positifs», affirment Nadège Marwood et Omar Odermatt. «Ils acceptent volontiers notre invitation. En Suisse, nous avons la chance d’avoir des élus accessibles qui jouent le jeu.» Ainsi, Laurent Wehrli, Olivier Français, Rebecca Ruiz ou encore Roger Nordmann se sont succédé avec enthousiasme à Chailly pour répondre aux questions des habitantes et habitants du quartier. «À l’issue des Bla-Bla Vote, pour celles et ceux qui auraient le droit de vote et qui désirent voter, un accompagnement leur est proposé pour le remplissage des bulletins de vote», détaille Bruno Wägli. Un bel avenir Le premier Bla-Bla Vote avait attiré beaucoup de monde. «Puis, le succès s’est un peu étiolé», concède Bruno Wägli. «Nous avons également dû composer avec le Covid en proposant un Bla-Bla Vote sur les ondes de notre radio web. On a dû se réinventer pour que l’outil persiste.» Selon le directeur adjoint, le Bla-Bla Vote a toutefois un bel avenir devant lui. «Nous sommes forts d’une expérience de cinq ans mais c’était encore du tâtonnement.» L’organe stratégique du Bla-Bla Vote, le Copil, composé entre autres des deux responsables de la coordination et de Bruno Wägli, est déterminé à donner un second souffle au Bla-Bla Vote en allant à la rencontre des habitantes et habitants du quartier. «Le retour des journalistes et des politiques est très positif, il nous manque néanmoins encore celui des personnes du quartier. C’est pourquoi nous aimerions nous rendre dans les restaurants des alentours. C’est un projet dans lequel nous plaçons beaucoup d’espoir!» Photo-reportage du Bla-Bla Vote du 3 septembre à la Maison de quartier de Chailly: À la une
18 ARTISET 03 I 2022 À la une «Les formations ne sont pas seulement faites pour apprendre, mais aussi pour donner envie aux gens de jouer un rôle actif dans le futur et leur permettre de développer leur propre réseau», affirme Sébastien Kessler. Face à lui, un parterre d’une soixantaine de personnes, réunies à Berne à l’occasion de l’événement de réseautage qui clôt la première édition de la formation «politinclusive» («politinklusiv» dans sa version germanophone). Ce dispositif est proposé par Pro Infirmis aux personnes en situation de handicap qui désirent s’engager en politique. Sébastien Kessler est associé-fondateur du bureau de conseil en accessibilité universelle id-Geo et conseiller communal à Lausanne depuis 2015. En situation de handicap lui-même – depuis si longtemps, dit-il, qu’il oublie qu’il est en fauteuil roulant –, il a conçu les modules francophones de cette nouvelle formation. Comme l’ont relevé des participantes et participants à la formation, l’événement de mise en réseau est important, d’autant plus qu’ils ne se sont vus jusque-là que par écran interposé. En effet, la première édition comprenait quatre modules de trois heures chacun, dispensés en ligne, Covid oblige. Les sessions en français et en allemand se sont tenues en parallèle entre février et mars 2022, réunissant chacune dix-sept personnes, tantôt novices en politique, tantôt au bénéfice de premières expériences. Elles ont acquis des bases théoriques, reçu des conseils pratiques sur la réalisation de campagnes ou sur le travail avec les médias et ont découvert les instruments politiques à mettre en œuvre pour mobiliser et faire bouger les choses. Elles ont aussi profité des expériences et connaissances des politiques, spécialistes en communication ou encore politologues qui ont animé les modules. Sébastien Kessler, qui a coaché les intervenantes et intervenants francophones, reconnaît que monter une telle formation avec des formatrices et formateurs qui ne sont pas issus ni familiers du monde du handicap a été un défi, mais aussi un choix pour davantage d’inclusion. Par ailleurs, la diversité de leurs parcours a indéniablement enrichi les contenus des modules et montré «qu’il y a mille façons de s’engager, même sans siéger dans un conseil ou un parlement». Une voix pas assez entendue En Suisse, bien qu’elles représentent un cinquième de la population, les personnes en situation de handicap sont sous-représentées en politique, constate Pro Infirmis, leurs «Il y a mille façons de s’engager» Comment mener une campagne politique? Comment travailler avec les médias? Comment mobiliser autour d’une cause? Ce sont quelques-unes des questions abordées dans le cadre de «politinclusive», une nouvelle formation de Pro Infirmis qui s’adresse aux personnes en situation de handicap désirant s’engager en politique. Anne-Marie Nicole
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