ARTISET 04 I 2022 31 cours de ces discussions, Angela a réalisé que mettre sur pied un tel projet nécessitait beaucoup de temps, «du temps que je n’aurais pas du tout eu». Ce stage, pourtant, c’est certain, elle le fera. Simplement, ce sera un peu plus tard. Comme le fait remarquer Gael, «Angela réfléchit à ses désirs, à ses décisions, et elle en tire les leçons». Autre exemple: son souhait de vivre de manière indépendante. «Il y a quelque temps, j’ai eu cette idée de déménager, et puis je ne l’ai pas fait», dit-elle. Le déménagement est cependant à nouveau d’actualité. Mais les alternatives que Gael lui a proposées jusqu’à présent ne sont pas envisageables pour elle. «Nous cherchons ensemble à présent une bonne solution pour cette transition», précise Gael. La soutenir dans ce qu’elle veut «Angela a des avis bien tranchés et elle a déjà pris des décisions différentes de celles que j’aurais choisies.» Mais il est clair pour lui qu’il la soutient dans chacune de ses décisions: «Je l’accompagne aussi loin que possible.» Avoir des points de vue divergents lui permet aussi, ajoute-t-il, de réfléchir sur luimême. Ainsi, Angela réalise ses désirs, par exemple étudier pour devenir actrice. Alors que lui a davantage choisi son parcours d’études en fonction de ce qui lui serait le plus utile au quotidien, même s’il ne regrette pas son choix aujourd’hui. Ce n’est pas parce qu’il est le «parrain» et elle la «filleule» qu’il sait tout mieux qu’elle, souligne encore Gael. Il ne lui donne que des conseils fondés sur ses expériences et sur ses erreurs. Et ces conseils doivent toujours avoir comme but premier «de la soutenir dans ce qu’elle veut, elle, et non dans ce que je pense, moi, être bon pour elle.» Comme il le relève encore, il n’est pas affligé du «syndrome du bon samaritain». Il est là pour elle lorsqu’elle a besoin de lui, mais sans s’imposer. Et Angela de confirmer: «Je sais que je peux l’appeler à tout moment». Si elle ne donne pas de nouvelles pendant un mois, il lui téléphone pour savoir comment elle va. «Sans Gael, je ne serais pas aussi motivée pour réussir et faire quelque chose de ma vie.» Angela résume ainsi le bilan des presque deux années écoulées. Et, c’est une évidence pour tous les deux: ils vont continuer à cheminer ensemble, jusqu’à ce qu’Angela ait réussi son passage vers la vie de care leaver. Un modèle prometteur Le succès rencontré jusqu’à présent par le tandem formé par Gael et Angela correspond aux résultats d’un projet de recherche de la FHNW: comme l’explique Jennifer Perez, qui travaille au bureau du réseau Care leavers de la région de Bâle ainsi qu’au sein de l’association nouvellement créée, «des études montrent que l’accompagnement par une personne qui a eu la même expérience de vie fonctionne très bien». Les care leavers qui, comme Gael, ont déjà une certaine expérience de la vie autonome peuvent apporter une aide pratique à celles et ceux de leurs semblables qui sont encore au début de l’expérience. Ils jouent le rôle de personnes de référence et permettent d’avoir accès à des offres de soutien. Mais, souligne encore Jennifer Perez, pour que ce type de tandem puisse vraiment fonctionner, il faut que les deux jeunes qui le constituent s’entendent bien en tant que personnes. La marraine ou le parrain sont de surcroît très sollicités pour des questions tant personnelles que professionnelles. Ce haut niveau d’exigence est, selon elle, une des raisons pour lesquelles seuls quatre premiers tandems se sont constitués depuis le lancement, il y a presque quatre ans, du «programme de parrainage». Tandems dont ne subsiste plus encore à l’heure actuelle que celui formé par Gael et Angela. «Nous sommes en train de réfléchir à la plate-forme de rencontre pour permettre aux bonnes personnes d’entrer en contact», précise-t-elle encore. Une sorte de formation continue pour la fonction de «parrain» ou «marraine» est par ailleurs prévue en collaboration avec le service bâlois de consultation pour les jeunes. «Pour que les personnes assumant le rôle de mentor ne soient pas dépassées par leur mission, elles ont besoin d’un accompagnement professionnel.» Pour Jennifer Perez, mis à part le chat WhatsApp, les réunions de réseau bimensuelles ont tout particulièrement fait leurs preuves en matière de soutien apporté aux care leavers. «Le facteur plaisir est ici placé au premier plan, sans compter que c’est aussi l’occasion de nouer des contacts et d’obtenir des conseils pratiques.» * Les care leavers sont des jeunes qui ont passé une partie de leur vie en foyer ou en famille d’accueil, qui se trouvent au seuil de l’âge adulte et qui s’apprêtent à quitter le système de protection de la jeunesse. Info sur le réseau Care leavers de Bâle (en allemand): ➞ https://www.careleaver.ch/ careleaver-basel «Nous avons vécu les mêmes choses. Ça fait du bien de pouvoir parler avec quelqu’un qui peut se mettre à ma place.» Angela À la une
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