Vivre et construire son identité |Magazine ARTISET | 1-2024

10 ARTISET 01 I 2024 ou de conflit, sont asymétriques. Dans les institutions aussi les questions d’identité se confrontent et peuvent engendrer des incompréhensions. Chaque lieu offre des opportunités et des contraintes. La vie collective ne permet pas toujours d’exprimer sa propre identité. Chaque personne doit s’adapter à cet environnement. La notion d’identité est paradoxale, entre différenciation et assimilation. La question est de savoir comment on se positionne par rapport aux autres, car l’identité est à la fois le fait de s’identifier et de se différencier. Ce qui nous rapproche permet de collaborer, de rassurer, d’estimer. Ce qui nous différencie est certainement une richesse, mais parfois aussi une source de difficulté. L’individu est-il donc sans cesse en mouvement entre ce qui le rend unique et ce qui le rapproche des autres? Tout à fait, avec des variations historiques énormes. Il y a eu des époques où la famille, le clan, la religion prenaient le dessus sur l’individu. La place de l’individu face au groupe varie beaucoup dans l’histoire. Aujourd’hui, nous sommes dans une période où la norme est d’être unique. Nous vivons dans une société très individualiste où chacune et chacun fait sa propre histoire, son «mythe personnel», se mettant en scène sur les réseaux sociaux, avec une exacerbation du soi et de son identité. Dans quelle mesure les normes sociales influencent-elles la construction de l’identité? Prenons l’exemple de la norme d’autonomie. Elle est aujourd’hui très valorisée dans la société et renvoie à l’idée que toutes les personnes qui ne l’atteignent pas, parmi lesquelles des personnes en situation de handicap et des personnes âgées, sont dans une situation de fragilité ou de dépendance. Et elles sont nombreuses en Suisse à ne pas répondre à cette norme et, de ce fait, à se sentir dévalorisées, voire discriminées. Dans le cadre des travaux que nous avons menés avec le centre LIVES, nous avons décidé de renverser la perspective: la norme, c’est la vulnérabilité. Nous sommes toutes et tous vulnérables, à des degrés divers. L’admettre permet d’agir et d’aider chaque personne à gagner le maximum d’autonomie compte tenu de son contexte de vulnérabilité. Depuis que j’ai retourné les choses, cela a changé ma vie! En d’autres termes, on met tout le monde en difficulté… Exactement. Dès l’école on nous dit sans cesse «sois autonome!». En revanche, on nous apprend moins à aider celles et ceux qui sont en difficulté ou à demander de l’aide si on est soi-même en difficulté. La compétition passe Dario Spini: «Nous avons décidé de renverser la perspective: la norme, c’est la vulnérabilité. Nous sommes toutes et tous vulnérables, à des degrés divers.» Photo: màd

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