ARTISET 01 I 2024 17 Vivre l’instant présent Le fait d’entrer ou d’être régulièrement en relation avec les résidentes et résidents et de voir l’effet positif que cela produit sur eux est valorisant et gratifiant pour le personnel, affirme Doreen Prüher. Elle estime que cette attitude est aussi une école de vie: «Nous devons rester dans l’instant présent et nous concentrer totalement sur notre vis-à-vis.» Les personnes atteintes de démence le font immédiatement savoir lorsqu’une collaboratrice a l’esprit ailleurs et veut se dépêcher de prodiguer les soins. «La plupart du temps, on ne peut pas faire les choses rapidement, car la résidente ou le résident est dans une tout autre intention.» Travailler avec des personnes qui ont des troubles cognitifs demande une certaine lenteur et aide à lever le pied. Du temps, de l’empathie et un grand sens de l’observation sont nécessaires pour identifier les besoins des personnes qui peinent à exprimer leurs souhaits verbalement. Pour Doreen Prüher et Gerd Kehrein, il est important de souligner que Sonnweid n’a pas plus de personnel que d’autres EMS. Ce qui compte, c’est plutôt l’expérience, indique la première, de même que la posture acquise à Sonnweid, ajoute le second. Dans le cadre de l’accompagnement et des soins des personnes vivant avec une démence, il faut non seulement adopter une attitude claire, mais aussi avoir conscience que les personnes vivent dans l’instant présent, précise Gerd Kehrein. Pour elles, hier et demain n’ont plus, respectivement pas encore d’importance. Cela influence aussi la manière d’aborder leur parcours de vie. À Sonnweid, comme dans beaucoup d’autres EMS spécialisés, l’accompagnement des résidentes et résidents se fonde sur leur vécu. Les personnes portent leur vécu en elles «Dans les soins et l’accompagnement, nous essayons de mettre en œuvre ce que nous observons sur le moment», explique Doreen Prüher. «Les personnes nous montrent ce qui est important pour elles et nous adaptons les soins en fonction de la situation.» Le comportement et les émotions sont toujours influencés par le parcours de vie. «Les personnes portent leur vécu en elles», déclare la responsable des soins. Il peut arriver, par exemple, qu’une personne réagisse de manière négative à une certaine collaboratrice, sans qu’on sache pourquoi. «Dans de tels cas, nous essayons de trouver des réponses dans son parcours de vie et posons des questions à ses proches.» La collaboratrice lui rappelle peut-être quelqu’un en particulier. Autre exemple: une résidente refuse soudainement de boire du café au petit-déjeuner. En parlant avec ses proches, on apprend qu’elle buvait beaucoup de thé auparavant. À Sonnweid, toutefois, le travail biographique repose toujours sur la perception dans l’ici et maintenant, soulignent les deux responsables. En effet, on ne peut pas toujours se fier aux informations fournies par les proches quant aux préférences et aux aversions d’une personne: ces indications ne correspondent peut-être pas (ou plus) à la réalité actuelle. «Il arrive souvent que des proches apportent des meubles et des tableaux qu’une personne a toujours beaucoup aimés par le passé mais qui, soudain, lui sont complètement étrangers car, dans sa propre perception, elle a 25 ans de moins», explique Gerd Kehrein. «Nous ne savons pas à quel moment de leur vie les personnes se situent maintenant», poursuit le responsable de la formation, qui s’est beaucoup penché sur le thème du travail biographique. Il compare notre vie à une bibliothèque dont les livres, classés par ordre chronologique, racontent notre histoire mois après mois. Lorsque la démence apparaît, ces livres se mettent à tomber de l’étagère. En outre, les personnes touchées changent et développent de nouvelles préférences ou aversions. Ainsi, quelqu’un qui s’est levé tôt toute sa vie peut devenir un lève-tard. De même, une femme au foyer qui a toujours cuisiné avec passion ne voudra peut-être plus rien savoir à propos de la cuisine. Belles émotions et souvenirs positifs «Notre objectif est de rendre le moment présent agréable», déclare Doreen Prüher. À l’aménagement des espaces intérieurs et extérieurs, s’ajoutent certains arômes et parfums qui font du bien et éveillent des souvenirs positifs. La musique et le contact avec les animaux contribuent eux aussi au bien-être. «Notre offre comprend de nombreux éléments qui peuvent avoir un lien avec le parcours de vie des personnes, mais nous ne forçons jamais quelqu’un à participer à une activité qui, aujourd’hui, n’a plus de signification pour lui. Les personnes sont libres d’être ce qu’elles sont et de faire ce qu’elles aiment sur le moment.» «Les activités et les occupations permettent de construire une identité, mais le plus important, ce sont les personnes qui cheminent avec moi et la manière dont elles s’y prennent.» Gerd Kehrein, responsable de la formation À la une
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