ARTISET 01 I 2024 21 Il y a du changement dans l’air à Discherheim: accompagner plutôt qu’encadrer, individualiser plutôt qu’uniformiser, expérimenter plutôt que faire du surplace. Voilà pour les grandes orientations. Mais dans la cohabitation au quotidien, que signifie l’engagement pour plus d’individualité et l’accompagnement adapté aux clientes et clients? Quelle est la rapidité du changement et où sont les limites? Visite des lieux. Tanja Aebli Le bâtiment principal de Discherheim, une institution près de Soleure, est animé: plus de quatre-vingts personnes en situation de handicap psychique ou de polyhandicap vont et viennent. La plupart d’entre elles habitent et travaillent dans ce complexe de trois étages construit en 2009. Certaines observent avec intérêt ce qu’il se passe derrière la porte d’entrée vitrée tandis que d’autres discutent, rient, gesticulent, se promènent dans les couloirs ou s’arrêtent devant les vitrines où sont présentés les produits des ateliers. Ici, la variété des âges et des degrés de handicap est large, de même que les ressources et besoins individuels. Quelle importance revêt la question de l’identité pour les personnes ayant besoin de soutien? N’est-elle qu’un concept théorique ou existe-t-il des méthodes et des approches qui accordent plus d’espace et d’importance à la découverte de sa propre personnalité dans le quotidien d’une institution? «La question de l’identité est étroitement liée à celle de notre propre posture», déclare Stephan Oberli, directeur général de Discherheim. «Et notre posture est claire: en tant qu’institution, nous avons l’obligation de mettre au plus vite nos prestations en conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Pour ce faire, l’ensemble des 190 collaboratrices et collaborateurs et membres de direction doit tirer à la même corde.» Changement de mentalité à tous les niveaux L’établissement Discherheim a certes inscrit des principes tels que l’autodétermination, l’autonomie, l’inclusion et la participation dans sa charte, sa stratégie et son nouveau concept d’accompagnement socioprofessionnel. Toutefois, la transcription des directives de la CDPH dans la pratique est loin d’être terminée. Stephan Oberli évoque un processus continu et un nouvel état d’esprit qui doit s’instaurer à tous les niveaux pour sortir d’une logique d’encadrement et passer à l’autonomisation, et se défaire des offres traditionnelles, pour en privilégier de nouvelles, inhabituelles, voire non conventionnelles. «Il s’agit d’ouvrir des portes et de créer des opportunités pour que les personnes que nous accompagnons puissent découvrir qui elles sont, ce qui leur importe et comment elles souhaitent construire leur vie.» Les personnes ayant besoin de soutien doivent avoir le droit de vivre autant d’expériences nouvelles que possible: au travail, lors des repas, chez elles ou pendant leurs loisirs. À l’instar de cet homme en situation de polyhandicap qui s’est fixé comme objectif de faire le trajet d’une trentaine de minutes vers le centre-ville en déambulateur sans être accompagné. Il a commencé à s’entraîner en faisant de petites promenades dans le quartier, augmentant peu à peu la distance parcourue, jusqu’au jour où il s’est senti capable d’effectuer seul le trajet en entier. Au grand étonnement d’un proche, d’ailleurs, qui l’a croisé par hasard en ville et qui, dans un premier temps, a été décontenancé par la démarche de l’institution. Pourtant, de telles expériences à l’issue incertaine font partie intégrante du changement de paradigme. «Nos clientes et clients doivent pouvoir faire de nouvelles expériences, car elles permettent de tracer les contours du soi. Pour l’entourage de la personne concernée, cela signifie s’abstenir de la surprotéger et accepter le fait que les expériences comportent certains risques», explique Stephan Oberli. Denise Gurtner, responsable du département Logement, acquiesce. Faire confiance à une personne lorsqu’elle entreprend quelque chose de nouveau est souvent un exercice d’équilibriste très exigeant. «Lorsque nous accompagnons une personne, nous devons parfois laisser se produire une situation plutôt qu’intervenir immédiatement. En même temps, nous ne pouvons pas non plus la laisser systématiquement dans l’échec.» Une observation attentive aide à trouver le bon équilibre entre risque et sécurité. Oli, une poupée dotée de super-pouvoirs «Il y a dans chaque personne une graine à laquelle nous pouvons offrir un terreau fertile», affirme Denise Gurtner avec conviction. Pour cela, il faut quelqu’un qui soit à À la une
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