Vivre et construire son identité |Magazine ARTISET | 1-2024

ARTISET 01 I 2024 25 Karen Ling, pourquoi étudiez-­ vous le développement identitaire des personnes présentant des troubles cognitifs et de la communication? Principalement en raison de ma longue expérience pratique auprès de personnes présentant des troubles cognitifs et complexes. J’ai notamment été impressionnée par la manière dont des adultes atteints de polyhandicap et de surdité m’ont raconté leur parcours de vie à l’aide de quelques gestes et d’un album photos, toujours en se désignant eux-mêmes. J’ai alors compris qu’il était possible de se forger une identité sans maîtriser le langage verbal. Malheureusement, peu de recherches ont été menées dans ce domaine car ces personnes sont souvent exclues des études et la théorie à ce sujet fait défaut dans la recherche germanophone. Le langage et la communication sont essentiels pour former sa propre identité. Quels défis peuvent se présenter en cas de difficultés dans les interactions? Si le langage et la communication sont si essentiels pour développer son identité, c’est parce qu’il est nécessaire d’interagir, de se situer dans le monde social et de comprendre son propre parcours de vie. Il est également essentiel que nous puissions nous-mêmes agir et avoir des espaces et des rôles différents dans lesquels nous sommes reconnus. Nous pouvons par exemple compenser «La perte de rôles qui faisaient partie de l’identité peut entraîner de la résignation ou de l’agressivité.» Karen Ling Karen Ling* étudie le développement identitaire des personnes présentant des troubles de la communication. Dans cette brève interview, elle présente sa motivation, ses principales conclusions et les possibilités de soutien. Propos recueillis par Salomé Zimmermann des expériences négatives au travail par des moments positifs en famille ou pendant notre temps libre. C’est ainsi que nous équilibrons notre identité. Les personnes peu ou non verbales ont besoin d’un environnement qui leur permette de faire de telles expériences de reconnaissance et d’efficacité personnelle. Cela peut être difficile, notamment pour les adultes qui vivent avec des pathologies dégénératives telles que la maladie de Parkinson ou la sclérose latérale amyotrophique, et perdent peu à peu l’expression faciale et d’autres formes de communication non verbale, ou de la parole. Dans les situations sociales, ces personnes sont souvent exclues: on les ignore ou on leur parle comme à des enfants. Ces maladies leur font également perdre des rôles qui faisaient partie de leur identité, comme leur rôle professionnel, et cette «perte d’identité» peut entraîner de la résignation ou de l’agressivité. Qu’en est-il de l’identité des personnes ayant des troubles multiples et complexes? Tous les aspects de l’identité sont touchés: d’abord, la cognition, qui est essentielle pour comprendre son propre parcours de vie, ensuite, l’interaction et les expériences de reconnaissance et d’efficacité personnelle qui en découlent et, enfin, l’expérience de différents espaces et rôles. C’est pourquoi le «principe de normalisation» est si important pour les adultes atteints de troubles cognitifs et complexes: ils peuvent ainsi assumer des rôles tels que celui de «colocataire» ou d’«artiste à l’atelier». Il faut également tenir compte du stade auquel se trouvent les personnes À la une

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