8 ARTISET 01 I 2024 Les cafés-récits sont des espaces de rencontre, accessibles à tout le monde, où les personnes qui y participent partagent leurs récits de vie, leurs expériences, leurs souvenirs, sur un thème donné, suffisamment large pour qu’il intéresse tout le monde – les voyages, le chez-soi, les voisins, le téléphone … Un café-récits se déroule en deux temps: le temps du récit, qui peut durer de quarante-cinq à soixante minutes, et le temps du café, moment convivial et informel autour d’une collation où les discussions peuvent se poursuivre en aparté ou en petits comités. Un cadre sécurisant Le rôle de l’animatrice ou de l’animateur est de créer un climat de confiance et de tolérance, d’accompagner la conversation, de la guider, de veiller à ce que chaque personne qui le souhaite puisse s’exprimer et de prêter attention aux sensibilités et aux émotions suscitées par les récits. Ici, on ne débat pas, on ne juge pas, on ne commente pas, on n’interrompt pas. Personne n’est obligé de parler, mais tout le monde doit écouter. Ce sont-là les quelques consignes énoncées au début d’un café-récits et qui contribuent à créer un cadre sécurisant et respectueux. Et c’est sans doute ce cadre-là qui distingue les cafés-récits d’autres groupes de parole à visée plus thérapeutique. Car les cafés-récits n’ont pas de vocation thérapeutique, même si leurs effets peuvent l’être. Le récit de vie a un pouvoir transformateur. Ce retour sur son propre parcours de vie peut renforcer l’identité, donner du sens au chemin parcouru, réconcilier avec sa propre histoire. Les histoires de vie se font écho et renforcent le sentiment d’appartenance. «Au-delà de l’histoire de vie individuelle, ce sont les conditions politiques, sociales, religieuses et culturelles de l’histoire contemporaine qui apparaissent. Grâce à la rétrospective dans le contexte du groupe, les participants peuvent découvrir les points communs et les différences, mieux comprendre, classer et réévaluer les expériences individuelles», écrit Johanna Kohn, professeure à la Haute école de travail social du Nord-ouest de la Suisse, dans un article de 2020 «Wir sind was wir erzählen» (trad. nous sommes ce que nous racontons). Naissance à Berlin, pour surmonter le passé Considérés comme des interventions socio-culturelles, les cafés-récits sont nés à Berlin vers la fin des années 1980, plus précisément à Wedding, un quartier traversé par le fameux mur de Berlin, caractérisé par sa mixité sociale, parfois explosive, raconte Johanna Kohn. À Berlin, comme à Vienne d’ailleurs, les cafés-récits se sont multipliés afin de permettre à la population de raconter le vécu, de partager les réalités respectives et d’essayer de surmonter le passé. S’il a aujourd’hui surtout pour ambition de promouvoir la cohésion sociale et l’acceptation de la diversité, le concept de café-récits développé en Suisse au début des années 2000 a d’abord été pensé pour les personnes âgées. «Le travail biographique occupe une place importante dans la vieillesse. Qui est-on devenu? Quels projets de vie a-t-on réalisés et auxquels a-t-on dû renoncer? Dans quelle situation a-t-on été performant, coupable, intelligent, courageux ou victime? Et que veut-on encore faire du temps qu’il nous reste à vivre? Ce sont là des questions existentielles, particulièrement en période de ruptures dans la trajectoire de vie», affirme Johanna Kohn. La professeure, qui assure une formation continue à l’animation de cafés-récits, est aussi l’une des chevilles ouvrières du développement des cafés-récits en Suisse et de la création du réseau des cafés-récits. «Dans ce processus de réappropriation de leur vie, les personnes âgées veulent être considérées et traitées comme auteures de leur propre histoire de vie», insiste encore Johanna Kohn. Les cafés-récits sont bons pour la santé Selon un groupe de chercheuses allemandes en médecine psychosociale et psychothérapie, le récit biographique favoriserait le maintien de l’identité individuelle et la participation sociale. Une évaluation mandatée par Promotion Santé Suisse tire en substance les mêmes conclusions. Dans son rapport de décembre 2022, les auteurs écrivent que «la participation à un café-récits influence positivement la santé psychique des personnes (âgées)». Ils ajoutent que «ce type de réflexion structurée sur sa propre biographie peut avoir une influence positive sur des aspects tels que la satisfaction face à la vie, l’estime de soi, l’efficacité personnelle et l’appartenance sociale». Le café-récits participe donc d’une démarche biographique particulièrement bien adaptée pour les personnes âgées. Le récit de vie a un pouvoir transformateur. Ce retour sur son propre parcours de vie peut renforcer l’identité, donner du sens au chemin parcouru, réconcilier avec sa propre histoire. INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES ➞ www.cafe-recits.ch
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