La direction participative | Magazine ARTISET | 6 2022

14  ARTISET 02 I 2022 jusqu’à la structure des salaires, sont ac- cessibles à tout le monde. Il existe un très grand nombre de modèles d’organisations agiles: de votre point de vue, quels modèles distingue-t-on principalement? En 1970, en Hollande, le propriétaire d’une entreprise d’électrotechnique a dé- veloppé la méthode des cercles sociocra- tiques sur la base de réflexions théoriques sur la société qui remontent au 19e siècle. Il a fondé un centre de sociocratie pour promouvoir cette dernière en Hollande et à l’étranger. La sociocratie, littéralement le «pouvoir des associés», a depuis été in- troduite dans de nombreuses organisa- tions à travers le monde. En Suisse, ce modèle est particulièrement apprécié dans les institutions engagées socialement. La méthode classique des cercles sociocra- tiques a par la suite connu d’autres évo- lutions. Pouvez-vous décrire brièvement ces évolutions? En 2007, un entrepreneur américain du secteur informatique a développé l’ho- lacratie, le «pouvoir du tout», sur la base de la méthode des cercles sociocratiques. Ce modèle est moins appliqué dans le sec- teur des organisations à but non lucratif que dans le monde de l’entreprise en gé- néral. Il faut disposer d’une licence pour le mettre en œuvre, ce qui n’est pas le cas pour la sociocratie 3.0. Dès 2015, trois auteurs, dont une femme, ont décrit leurs valeurs de référence et mis tous les docu- ments à disposition gratuitement. Leurs réflexions se fondent sur l’évolution passée de la sociocratie. Contrairement à la mé- thode sociocratique circulaire, mais éga- lement à l’holocratie, la sociocratie 3.0 ne nécessite pas de réorganisation fondamen- tale. La sociocratie 3.0 est plutôt un re- cueil de meilleures pratiques en matière de collaboration efficace en groupes dans lequel une organisation peut puiser en fonction de ses besoins. Existe-t-il certains points structurels communs entre les trois modèles que vous venez de mentionner? Dans chacun des trois modèles, il est im- portant que les décisions soient prises par consentement. Comme déjà mentionné, les objections fondées doivent être clari- fiées ou intégrées avant qu’une décision ne soit prise. Les cercles, respectivement les équipes ou les groupes de projet, dotés de certains pouvoirs de décision, consti- tuent une autre caractéristique structu- relle importante. Les rôles et les fonctions au sein des groupes sont déterminés par des élections ouvertes. Les différentes équipes et cercles sont en outre double- ment liés, c’est-à-dire qu’un membre de chaque cercle est représenté dans un autre cercle, y participe à la prise de décision et représente ces décisions dans sa propre équipe. Parmi les modèles d’organisation agiles, où situez-vous le «lean ma- nagement», dont l’origine remonte au milieu du siècle dernier dans l’industrie automobile japonaise? «Lean management» signifie «créer de la valeur sans gaspillage». L’objectif est de coordonner de manière optimale toutes les activités nécessaires à la création de valeur et d’éliminer les activités superflues. Cette façon de penser a certainement été intégrée dans l’exigence d’efficacité, qui est l’un des principes de la sociocratie 3.0. Un autre de ces principes a été adopté, notamment avec les processus d’améliora- tion continue. Quelle est la démarche que vous conseillez aux organisations qui souhaitent introduire des formes de travail agiles? Les organisations doivent prendre le temps d’évoluer vers l’agilité et d’en es- sayer certains éléments. On peut, par exemple, commencer par diriger les réu- nions différemment. Une réunion menée selon des directives sociocratiques permet à tout le monde de s’exprimer autour du cercle, ce qui change considérablement la culture en place. On sait que l’on aura la parole et que l’on sera écouté. Le but est de parvenir à une cohabitation respec- tueuse et égalitaire. Dans le monde du travail, nous n’avons généralement pas connu la même socialisation et devons apprendre de nouveaux modèles. Ce qui importe, selon moi, c’est d’avoir la volon- té de s’engager. Il est probable qu’un ac- compagnement organisationnel soit éga- lement nécessaire pour transférer de manière judicieuse au sein de sa propre entreprise le vaste champ de connaissances en la matière. Vous insistez sur la nécessité de vouloir sciemment s’engager dans quelque chose de nouveau… Une raison importante pour l’introduc- tion de formes de travail et d’organisa- tions agiles est justement qu’au début d’un processus, on ne sait souvent pas exactement à quoi doit ressembler le pro- duit final dans le détail. Les méthodes de travail liées à l’agilité visent à parvenir progressivement à de nouvelles idées et à de nouveaux produits. Il en va de même pour l’introduction de l’agilité. Il s’agit de se lancer et de voir où le processus va nous mener. * Martin Diethelm, né en 1973, est consultant et partenaire de B’VM AG (Beratungsgruppe für Verbands-Management). Il est sociologue de formation, formateur, spécialiste en manage- ment des organisations à but non lucratif avec diplôme du VMI, et diplômé en interaction centrée sur le thème (TCI) selon Ruth Cohn. Il suit actuellement une formation complé- mentaire en sociocratie 3.0. «Les organisations doivent prendre le temps d’évoluer vers l’agilité et d’en essayer simple- ment certains éléments.» Martin Diethelm À la une

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