28 ARTISET 02 I 2023 le développement des entreprises sociales (FIDES). Depuis, une dizaine d’institutions et entreprises sociales, actives dans la formation, la réinsertion professionnelle et l’accompagnement de personnes à besoins spécifiques, sont regroupées dans le projet social Tourbillon. Elles réunissent quelque 800 collaboratrices et collaborateurs et se répartissent les 33000 mètres carrés de surface dans deux des cinq bâtiments à vocation industrielle et artisanale de l’Espace Tourbillon, dans la zone économique de la commune de Plan-les-Ouates, au sud du canton de Genève, à quelques encâblures de la frontière française. Bien plus qu’une cohabitation, les organisations sociales se lancent dans une dynamique nouvelle qui favorise les synergies, le partage de compétences et les collaborations inédites. Elles affichent la même volonté de favoriser l’innovation sociale et de valoriser leurs missions respectives. Ensemble, elles ont élaboré une vision et des valeurs communes contenues dans la Charte Tourbillon, l’objectif étant de «créer un modèle de société solidaire, responsable et innovante pour les générations actuelles et futures». Mutualisation des savoirs La blanchisserie est un bel exemple de cette mise en commun des compétences et des cultures, et la mutualisation va bien au-delà du développement de services partagés pour les tâches administratives ou le support informatique. Trois fondations sont à l’origine du projet, qui proposaient jusque-là chacune des activités de blanchisserie, mais pour lesquelles chacune devait moderniser son installation. En mutualisant leurs ressources, chaque entité fait désormais bénéficier la nouvelle structure de son savoir-faire et de son expérience en matière d’insertion sociale. De plus, la fondation Clair Bois propose son expertise dans l’accompagnement et la formation de personnes polyhandicapées, la fondation Trajets sa maîtrise des processus éco-responsables en blanchisserie et pressing ainsi que ses connaissances en santé mentale, et la fondation Pro sa longue expérience dans la production industrielle et la gestion logistique. D’autres synergies ont été dégagées par la suite, créant «un cercle vertueux», comme le souligne Jean-Philippe Beaufrère. Un partenariat a été mis en place avec GenèveRoule, l’association pour la promotion du vélo et l’insertion socio-professionnelle, qui assure certaines livraisons de linge à vélo électrique. Quant au Centre social protestant, il sous-traite désormais à la blanchisserie le lavage d’une partie des textiles qui seront ensuite vendus dans la brocante. La Blanchisserie Tourbillon conjugue trois missions: une mission sociale (formation et accompagnement de personnes en situation de handicap ou en difficulté), une mission environnementale (recours à des technologies respectueuses de l’environnement) et une mission économique (prestations de blanchisserie de haute qualité et compétitives). Comme l’explique Jean-Philippe Beaufrère, ces missions sont étroitement liées et interdépendantes: «Pour pouvoir honorer notre engagement social et environnemental, notre structure doit être compétitive et économiquement performante.» Mais c’est un équilibre subtil à trouver, comme le démontre le directeur: «Actuellement, nous traitons 1,2 tonne de linge par jour. Avec notre infrastructure, nous pourrions monter jusqu’à 4 tonnes par jour et engager une centaine de personnes. Il faut cependant faire attention à la manière dont se fera ce développement car nous ne souhaitons pas automatiser davantage de tâches de routines et, par conséquent, supprimer des emplois adaptés.» «Engagé pour piloter un centre de profit» Jean-Philippe Beaufrère, a repris la direction de la blanchisserie en avril de cette année. Il n’est ni un professionnel du domaine social ni un spécialiste de la blanchisserie. Diplômé HEC en management, il a notamment l’expérience du traitement et du recyclage des déchets et, de ce fait, connaît bien les rouages de la production industrielle. Engagé pour «piloter un centre de profit», il peut néanmoins s’appuyer, d’une part sur le savoir-faire d’un spécialiste des métiers de la blanchisserie, d’autre part sur les compétences d’une accompagnante socio-professionnelle. Davantage habitué à un mode de gestion plus direct basé sur des considérations économiques, il apprend aujourd’hui à jongler avec d’autres impératifs dans un tel contexte: s’adapter à l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs, anticiper leurs besoins, communiquer autrement. «Le choix des mots est important. Pour s’assurer d’être compris et ne pas offenser.» Actuellement, la Blanchisserie vit des revenus de l’exploitation, de dons privés et de subventions liées au contrat de prestations passé avec le canton en vertu de la mission sociale de la structure. L’objectif est d’acquérir une autonomie financière à l’horizon 2026. «Pour y parvenir, les dimensions sociale et environnementale, qui étaient des facteurs attractifs pour la clientèle jusque-là, ne suffisent plus. Pour convaincre et être compétitifs, nous devons offrir des prestations de haute qualité et un service irréprochable», avertit le directeur. «Pour pouvoir honorer notre engagement social et environnemental, notre structure doit être compétitive et économiquement performante.» Jean-Philippe Beaufrère, directeur de la Blanchisserie Tourbillon
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