ARTISET 02 I 2023 49 crise, ces mesures, autorisées par la loi, sont nécessaires pour protéger les résidentes et résidents, mais constituent une grave atteinte aux droits de la personnalité. Les équipes professionnelles sont donc souvent appelées à prendre des décisions de portée éthique, une tâche parfois difficile. Privilèges communicationnels Les personnes concernées utilisent les situations difficiles pour se créer une «scène» leur permettant de participer et de communiquer, y voyant parfois la seule possibilité de se faire comprendre. Or, ces situations sont très éprouvantes pour tout le monde, au point que souvent leur intention communicationnelle n’est même pas perçue. Dès lors, comment encourager la participation et l’efficacité personnelle au sein des structures contraignantes d’une institution de prise en charge intensive? Une plus grande participation à la communication dans le quotidien est une alternative. Les éducatrices et éducateurs sociaux peuvent s’y engager activement. Vouloir favoriser la participation à la communication commence par réfléchir à ses propres privilèges en la matière. Dans de nombreuses situations, le personnel communique, de manière consciente ou non, sur une «arrière-scène» qui n’est accessible qu’à lui seul. Il peut s’agir de brèves concertations sur le déroulement de la journée, sur les tâches et les responsabilités, mais aussi de simples bavardages entre collègues. Cette «arrière-scène» est légitime et fait partie de l’activité professionnelle. En outre, elle permet au personnel de se détendre dans un quotidien professionnel très exigeant et a donc un effet bénéfique sur la santé. Des lieux sont prévus à cet effet, comme les bureaux et les salles de pause ou de réunion. Là où cela devient problématique, c’est lorsque le personnel s’éloigne des résidentes et résidents pour communiquer et les tient à l’écart de la conversation, les rendant simples «spectatrices et spectateurs» qui ne participent pas à la discussion. C’est ce qui se produit, par exemple, quand des membres du personnel se concertent dans les espaces communs. Cette scène de communication entre professionnel·les est tout à fait habituelle et peut s’établir très rapidement. L’arrivée d’une ou d’un collègue, par exemple, pour mettre crûment fin à une discussion en cours avec une résidente ou un résident. Dans ce contexte, le langage corporel compte tout autant que la communication verbale. Des objets comme le téléphone de service font également partie intégrante des interactions: il suffit d’un appel pour que la scène institutionnelle des professionnel·les se mette en place. De grandes compétences en communication sont nécessaires pour prendre conscience de ses propres privilèges en la matière et pour y porter une attention particulière. L’objectif devrait être de toujours inclure les résidentes et résidents dans la communication. Attendre la pause commune est une solution, de même que faire un pas de côté pour permettre aux résident·es de participer de manière non verbale à la scène de communication des professionnel·les. L’approche selon laquelle les collaboratrices et collaborateurs sont des invité·es dans le lieu de vie des résidentes et résidents peut aussi contribuer à la sensibilisation. Pas de discussion sur nous sans nous La participation à la communication exige une sensibilité, une attitude et des compétences en matière de communication de la part des éducatrices et éducateurs sociaux. Que se passerait-il si les résidentes et résidents avaient le droit de savoir tout ce qui se dit dans les espaces communs de leur unité de vie et de poser des questions à ce sujet? Cela changerait beaucoup de choses. Prendre conscience de la dimension communicationnelle des situations difficiles offre aussi des opportunités: les résidentes et résidents ont quelque chose à dire et, pour ce faire, utilisent souvent un langage corporel ou recourent à des objets. Si une chaise renversée sur le sol pose un problème, nous les aidons à trouver des façons d’exprimer ce qui les préoccupe. À quoi pourrait ressembler une nouvelle culture de la communication? Interrogeons les résidentes et résidents ou examinons de plus près les façons d’instaurer cette culture ensemble. Pour cela, il faut commencer par supprimer les privilèges communicationnels et repenser les structures institutionnelles: les personnes en situation de handicap et avec des comportements difficiles devraient pouvoir évoluer plus souvent en dehors des institutions. Le plus souvent, elles ne disposent pas d’un cadre de communication qui ne soit pas dirigé par le personnel. Un premier pas en faveur d’une désinstitutionalisation, telle qu’exigée par la CDPH, pourrait déjà être réalisé en séparant clairement les domaines de la vie entre habitat, travail et loisirs. Ici, la répartition des prestations d’aide entre les différentes organisations est également déterminante. * Widukind Gernot Zenker est professeur et responsable de cours à l'École supérieure d’éducation sociale Lucerne d'Artiset Formation. Widukind Gernot Zenker, «Die Bühne herausfordernder Situationen in einer Intensivbetreuung». (trad. «La scène des situations difficiles dans une institution de prise en charge intensive.»), Klinkhardt Forschung, 2023 (en allemand uniquement).
RkJQdWJsaXNoZXIy MTY2NjEzOQ==