8 ARTISET 02 I 2024 HÔTEL DOM Situé au centre-ville de Saint-Gall, dans le quartier de l’abbaye, l’hôtel Dom, trois étoiles, dispose de quarante chambres. Il propose des nuitées et des repas et accueille des séminaires et des banquets. Les personnes qui ont un besoin de soutien important peuvent y développer leurs compétences professionnelles, sociales et intellectuelles et recevoir des conseils pour gagner en responsabilité individuelle et en autonomie. Cet hôtel inclusif, premier du genre, a été fondé il y a vingtsix ans. Aujourd’hui, près de cinquante-cinq personnes y travaillent à différents postes et places d’apprentissage. Elles sont employées en cuisine, au service, à la réception, au nettoyage des étages, à la blanchisserie et à l’atelier de couture. Les apprenti·es obtiennent un diplôme de spécialiste en hôtellerie, de cuisinière ou cuisinier, d’employé·e de commerce ou encore d’employé·e en hôtellerie, en cuisine ou en restauration. Elles et ils sont encadrés par des spécialistes des domaines de l’hôtellerie et de l’accompagnement socioprofessionnel. L’hôtel aide aussi son personnel à trouver des places de stage et d’apprentissage. Grâce à des collaborations avec différents partenaires du marché du travail ordinaire, il leur est possible de faire des stages externes ou d’obtenir leur diplôme dans entreprises actives sur le marché du travail ordinaire. La collaboration avec l’Open Art Museum, consacré à consacré à l’art brut et à l’Art naïf suisse, permet de décorer les locaux de l’hôtel avec des œuvres issues de la collection du musée. ➞ www.hoteldom.ch à l’hôtel Dom après avoir chuté sur le sol en pierre de la cuisine, en raison d’une crise d’épilepsie. Heureusement, elle n’a jamais connu un tel épisode à son nouveau poste. L’apprentissage de la vie autonome Actuellement, Donato Lorusso travaille pour l’association «mensch-zuerst» et Natascha Oberholzer au sein de l’entreprise sociale «dreischiiebe», au service d’expédition de produits, principalement pour la boulangerie. «Je dois travailler avec beaucoup de précision, notamment lorsque je prépare des paquets cadeaux», explique-t-elle. Leur travail à l’hôtel Dom les a aidés à gagner en autonomie. Auparavant, ils avaient déjà fréquenté un groupe de formation pour apprendre à vivre de manière autonome en dehors des institutions – un pas important pour tous les deux. C’est à l’hôtel Dom qu’ils sont tombés amoureux. Une fois le ménage et la gestion des finances maîtrisés, ils ont emménagé ensemble et se sont mariés il y a une vingtaine d’années. Quel est leur niveau d’autonomie aujourd’hui? «Nous faisons tout nous-mêmes, mais avons depuis longtemps un curateur. Depuis 2020, toutefois, une curatelle d’accompagnement suffit – nous nous occupons maintenant aussi de nos finances», déclare Donato Lorusso, visiblement fier. Une fois par mois, ils reçoivent la visite d’une personne chargée de l’accompagnement à domicile, qui les aide en cas de questions. Ils peuvent aussi l’appeler si besoin, ce qui est le cas en ce moment, car la connexion à internet ne fonctionne plus et l’entreprise de télécommunications n’a pas pu les aider. Natascha Oberholzer raconte aussi qu’elle aurait soi-disant gagné quelque chose à un concours qui n’en était pas un. S’est ensuivi la visite d’un représentant qui a réussi à les convaincre à acheter un appareil coûteux, malgré leur opposition. Avec l’aide du curateur, ce forcing commercial a toutefois pu être annulé. Il apparaît clairement que les deux savent se débrouiller, y compris lorsqu’ils sont partis en vacances à Majorque – une expérience qu’ils relatent avec enthousiasme aujourd’hui encore. S’engager et se défendre Qu’est-ce qui a changé au fil des années par rapport à l’époque où ils travaillaient à l’hôtel Dom? «Aujourd’hui, nous pouvons vivre de manière plus autonome», indique Donato Lorusso. «Avant, d’autres décidaient davantage pour moi.» De manière générale, les personnes en situation de handicap ont plus de possibilités, affirme-t-il avec conviction. À l’époque, par exemple, il n’a pas pu faire d’apprentissage. Son salaire en pâtit également, fait-il remarquer. À propos d’argent, Natascha Oberholzer déclare: «Nous parvenons très bien à évaluer notre situation et nos moyens financiers. De temps en temps, nous aimerions bien pouvoir nous permettre des vacances qui coûtent un peu plus cher.» Quant à la société, ils ne la trouvent pas plus ouverte à l’égard des personnes en situation de handicap. Ils entendent toujours régulièrement des propos stupides, surtout de la part de jeunes. «Nous, les personnes en situation de handicap, ne savons souvent pas bien nous défendre, nous n’osons pas le faire», explique Natascha Oberholzer. Un jour toutefois, à la foire de l’Olma, elle a pris son courage à deux mains et repoussé un groupe de jeunes hommes qui prenaient toute la place. Elle s’engage également au sein du comité d’Insos en tant qu’autoreprésentante afin de mieux faire entendre sa voix et celle des autres. Par ailleurs, elle aime échanger avec les gens et suit beaucoup de cours et de formations continues. Elle participe aussi volontiers à des activités de loisirs organisées, car «pour les personnes en situation de handicap, ce n’est pas si simple de faire des sorties». «Aujourd’hui, nous pouvons vivre de manière autonome. Avant, d’autres décidaient pour moi.» Donato Lorusso
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