Magazine ARTISET_3-2022_Citoyenneté politique et participati

10 ARTISET 03 I 2022 À la une Sans pour autant disposer d’un chiffre précis, on peut affirmer qu’en Suisse, un certain nombre de personnes en situation de handicap sont privées de leurs droits politiques. Dans le canton de Genève, une votation pionnière ouvre désormais la voie à un changement de mentalité. Il ne s’agit pas seulement de supprimer les obstacles juridiques mais également les discriminations de fait. Elisabeth Seifert Les droits fondamentaux s’appliquent à toutes et tous, sans exception Les personnes qui sont «interdites pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit» ne disposent pas des droits politiques. Voilà ce qui figure dans l’article 136 de la Constitution fédérale. Un peu plus appropriée quant aux choix des termes utilisés, mais tout aussi claire en ce qui concerne l’esprit de ses dispositions, la loi fédérale sur les droits politiques (LDP) précise qui sont les personnes exclues tant du droit de vote que du droit d’éligibilité: ce sont «les personnes qui, en raison d’une incapacité durable de discernement, sont protégées par une curatelle de portée générale ou par un mandat pour cause d’inaptitude.» Une telle exclusion des droits politiques est en contradiction flagrante avec l’article 29 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées: «Les États Parties garantissent aux personnes handicapées la jouissance des droits politiques et la possibilité de les exercer sur la base de l’égalité avec les autres». À cette fin, les États Parties, parmi lesquels la Suisse depuis près de dix ans, s’engagent «à faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres», ce qui inclut «le droit et la possibilité de voter et d’être élues». Conformément aux dispositions de la CDPH, les personnes en situation de handicap doivent pouvoir exercer librement leur droit de vote et leur droit d’éligibilité. Par ailleurs, elles ne doivent pas être désavantagées dans l’exercice de leurs droits politiques. On ignore le nombre exact de personnes interdites Les personnes concernées par cette interdiction sont essentiellement des personnes en situation de handicap psychique ou cognitif. Faute de statistiques plus précises, les chiffres publiés par la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes (COPMA) permettent de s’en faire une idée: en 2020, en Suisse, 14050 personnes adultes se trouvaient sous curatelle de portée générale et étaient par conséquent généralement privées de leurs droits politiques, que ce soit au niveau national, cantonal ou communal. Dans la pratique, ce chiffre est sans doute légèrement moins important, comme le précise Cyril Mizrahi, avocat auprès d’Inclusion Handicap, la faîtière des organisations de personnes handicapées, et associé de l’étude Droits Égaux Avocat·e·s à Carouge (GE). Maître Mizrahi explique en effet que dans certains cantons romands, ainsi qu’au Tessin, les personnes sous curatelle de portée générale ne sont pas toutes considérées comme durablement incapables de discernement au sens de la LDP et que certaines peuvent donc voter.

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