Magazine ARTISET_3-2022_Citoyenneté politique et participati

ARTISET 03 I 2022 19 préoccupations ne sont pas suffisamment prises en compte et leur voix pas assez entendue. Pourtant, elles manifestent un intérêt évident pour les affaires publiques, preuve en est cette formation qui a très rapidement affiché complet. Par ce programme, Pro Infirmis entend faciliter l’engagement politique des personnes en situation de handicap qui le désirent et contribuer à la mise en œuvre de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), en particulier de son article 29 qui prévoit explicitement la participation à la vie politique et publique. À ce propos, Sébastien Kessler rappelle les observations du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, communiquées en mars dernier, concernant la Suisse. En substance, pour l’article 29, le Comité recommande à la Suisse «d’abroger toutes les dispositions juridiques fédérales et cantonales qui ont pour effet de priver des personnes handicapées (…) de leur droit de vote», «de faire en sorte que les personnes handicapées puissent participer effectivement et pleinement à la vie politique et à la vie publique (…), notamment en garantissant l’accessibilité du processus électoral» et «de mettre en place des mécanismes qui garantissent aux personnes handicapées le droit de participer à la vie politique et à la vie publique, y compris par des activités de plaidoyer». Caroline, une graphiste fribourgeoise de 29 ans, a fait le déplacement à Berne pour témoigner de sa participation à l’édition francophone de politinclusive. «Mon intérêt était de comprendre comment fonctionne notre système, car j’ai envie que les choses changent, notamment dans le domaine de l’emploi», a-t-elle déclaré, heureuse d’être là, en présentiel, avec une traduction simultanée, pour parler et échanger sans le filtre de l’écran d’ordinateur. «Pour moi, le maître mot, c’est le réseautage.» Ce n’est pas Patrick qui la contredira, un Lucernois déjà investi politiquement, mais qui a suivi les modules de l’édition germanophone car il manquait d’outils, a-t-il expliqué. Il a particulièrement apprécié la diversité des intérêts, des horizons et des préoccupations de ses camarades de formation. Mais il a aussi relevé la difficulté de s’exprimer avec la langue des signes «car elle empêche d’être en contact visuel avec les autres, or le contact physique est très important dans l’action politique». À cela s’ajoute une question financière: «J’ai besoin d’un interprète durant les débats. Qui paie ses honoraires? C’est un vrai problème.» Ne pas se sous-estimer Sur l’estrade, quelques politiciennes et politiciens en situation de handicap, activement engagés, que ce soit au niveau communal, cantonal ou fédéral, ont pris place pour faire part de leurs expériences, de leurs débuts en politique, des difficultés et des obstacles rencontrés, des succès aussi. Élue en mars 2021, Maud Theler est la première députée en situation de handicap à siéger au Grand conseil valaisan. «Avant d’être élue, je ne me rendais pas compte du poids que nous pouvons avoir pour faire avancer les choses», raconte-t-elle. «Quand je soumets une demande aux services de l’administration et que j’ajoute à mon nom ma fonction de députée, c’est beaucoup plus efficace!», rapporte-t-elle, exemples à l’appui, en avertissant toutefois qu’il ne faut pas abuser de sa position. Puis, comme une recommandation adressée aux futures élues et élus, elle affirme encore avec conviction: «Nous ne devons pas nous sous-estimer. Si les personnes valides y arrivent, il n’y a aucune raison que nous ne le puissions pas.» Toutes les personnes présentes à l’événement, expérimentées ou non, étaient unanimes sur un point: l’inclusion passe aussi par l’action politique. Un succès à reconduire Pour Pro Infirmis, cette première édition de politinclusive est un succès. Les retours ont été très positifs, même si le format en ligne a été diversement apprécié: certes, il a épargné des déplacements parfois difficiles pour les personnes à mobilité réduite, mais il n’a pas remplacé la spontanéité ni la richesse des échanges en présentiel. D’où l’événement de réseautage qui a permis aux participantes et participants des deux éditions de se rencontrer et d’échanger à Berne. «Nous allons à nouveau proposer cette formation, assure Ildiko Botta, collaboratrice scientifique chez Pro Infirmis et co-responsable du dispositif. En ligne? En présentiel? Hybride? C’est encore à l’étude. «Nous réfléchissons également à différencier les niveaux des modules en fonction des besoins et des connaissances préalables des participantes et participants», ajoute-t-elle. Une chose est sûre: «Nous allons poursuivre la mise en réseau des personnes en situation de handicap intéressées par l’engagement politique.» Pour leur donner la possibilité de poursuivre leurs échanges, un deuxième événement de réseautage a d’ailleurs à nouveau eu lieu à Berne début septembre, toujours en présentiel et toujours avec traduction simultanée en français, allemand et langue des signes. Les personnes présentes ont pu discuter du sens, de l’avenir et de la forme à donner à leur réseau. «Nous ne devons pas nous sous-estimer. Si les personnes valides y arrivent, il n’y a aucune raison que nous ne le puissions pas.» Maud Theler, députée au Grand Conseil valaisan Informations sur politinclusive: ➞ www.proinfirmis.ch > politinclusive

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