22 ARTISET 03 I 2022 mais aussi des devoirs, que le monde a besoin d’elles…», conclut Sabine Udry Dumoulin. Enquête dans six EMS romands De son côté, Barbara Lucas, accompagnée d’autres chercheuses et chercheurs, a poursuivi ses travaux autour du droit de vote et, plus généralement, de la citoyenneté des personnes âgées en institution. La dernière recherche en date, soutenue par la Fondation Leenaards et intitulée «La citoyenneté politique comme dimension de la qualité de vie», est notamment issue d’une enquête au sein de six EMS romands. Elle repose sur l’hypothèse «qu’une citoyenneté politique active peut contribuer à améliorer la qualité de vie globale des personnes âgées et que les conceptualisations de la qualité de vie auraient donc intérêt à faire davantage de place aux questions civiques». Selon les conclusions de l’enquête, l’hypothèse s’est vérifiée au fil de la recherche. Entretien avec Barbara Lucas et une autre membre de l’équipe de recherche, Lea Sgier, chargée de cours au Département de science politique et chercheuse associée à l’Institut d’études de la citoyenneté de l’Université de Genève. Barbara Lucas, vos premiers travaux autour du droit de vote en EMS datent d’une quinzaine d’années. Comment ces questions de citoyenneté en EMS ont-elles évolué? Barbara Lucas – Elles sont toujours autant d’actualité que lorsque nous avons démarré les tables rondes. La diffusion d’articles et de présentations à propos du projet «Voter en EMS» ont sans doute provoqué une prise de conscience ici ou là. Cependant, certaines directions n’ont commencé à réfléchir à la question que récemment, parce que nous allions les rencontrer dans le cadre de notre recherche. Comment expliquer le fait que la question des droits politiques des personnes âgées en institution intéresse si peu? Lea Sgier – Les deux raisons généralement invoquées sont un manque de temps et d’argent. Les priorités des établissements sont ailleurs, principalement sur les problématiques de soins et de santé. Les personnes âgées elles-mêmes souvent se mettent en retrait. Elles arrivent toujours plus diminuées, avec des troubles cognitifs. Elles reconfigurent alors leur identité sociale et citoyenne. Barbara Lucas –Tant que l’EMS sera perçu comme un lieu de fin de vie médicalisé, il y a peu de chance que cela change. Le contexte institutionnel lui-même contribue, même involontairement, à limiter l’accès aux droits, en l’occurrence aux droits politiques. Cela commence par la gestion des enveloppes de vote. Les professionnels s’interrogent: que faire de ces enveloppes? Dois-je les distribuer à tout le monde? Il y a une méconnaissance de la législation fédérale et des lois cantonales à ce propos. Il est vrai aussi qu’il règne un flou juridique sur ces questions. Nousmêmes, politologues, avons dû faire appel à un juriste! Dans votre recherche, vous avez intégré la dimension de la qualité de vie. Lea Sgier – Nous avons en effet souhaité faire des liens entre la citoyenneté politique et la qualité de vie. Les quelque 80 personnes âgées que nous avons interrogées au total affirment que l’exercice du droit de vote leur donne un pouvoir de décision et le sentiment de faire partie de la société. Cela participe de leur qualité de vie. De même que la venue d’intervenants externes neutres, permettant aux personnes d’aborder des questions qui les préoccupent et dont elles ont peu souvent l’occasion de débattre. Comme cet ancien chef comptable d’une grande compagnie d’assurances, passionné par les questions d’AVS, et qui, à lui tout seul, comprenait la problématique mieux que tous les politologues réunis! Ou cet autre résident, un ancien officier, qui avait un avis très «Les quelque 80 personnes âgées que nous avons interrogées affirment que l’exercice du droit de vote leur donne le sentiment de faire partie de la société. Cela contribue à leur qualité de vie.» Lea Sgier, chercheuse associée à l’Institut d’études de la citoyenneté de l’Université de Genève. ÉTUDE DISPONIBLE EN LIGNE «La citoyenneté politique comme dimension de la qualité de vie», B. Lucas, L. Sgier, M. Meigniez, Y. Delessert. Disponible en ligne dès le 26 septembre 2022 sur le site de la HETS de Genève, www.hesge.ch/hets. À la une
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