ARTISET 03 I 2023 43 À l’intérieur, on rit, on vit et on meurt aussi Évoquer, avant de mourir, ce que l’on se souhaite pour la vie est essentiel aux yeux d’André Gyr, d’autant plus dans une institution où les soins palliatifs jouent un rôle important: «Souvent, les personnes qui arrivent dans l’établissement sont déjà en phase de soins palliatifs, voire en fin de vie. Réfléchir à ce qui a eu de l’importance dans sa vie et à ce qui pourrait encore en avoir fait impérativement partie de ces derniers moments.» La maison de soins St. Johann dispose d’un personnel très qualifié dans le domaine des soins palliatifs. Grâce aux diverses approches, aux grandes compétences professionnelles ainsi qu’au personnel spécialisé et expérimenté, la fin de vie ne peut pas être un sujet tabou. André Gyr concède qu’il est un peu tard d’attendre son entrée en EMS pour s’interroger sur la belle vie et la belle mort. «Mais mieux vaut tard que jamais!» Et surtout, le fait de parler de ce que l’on a vécu ou pas vécu peut aussi, selon lui, aider les proches. «Nous aimerions préparer les gens et favoriser les discussions.» Pour André Gyr, il importe néanmoins de souligner qu’au sein de l’établissement, il n’est pas toujours question de la mort, bien au contraire: «On y vit, rit, soigne et chante surtout. Après seulement, on y meurt aussi.» Selon le directeur, beaucoup de personnes oublient que l’EMS est d’abord un lieu plein de vie: soirées tapas mensuelles, festival des tartes et concert à la chapelle ou dans le parc. Finalement, la maison St. Johann est tout autant associée à la vie qu’à la fin de vie. Voici près d’un an que les tableaux noirs sont accrochés à côté de l’entrée de l’établissement. Un article paru dans le journal gratuit 20 Minutes a déclenché un flot de réactions très diverses des lectrices et lecteurs, allant de «comment peut-on poser une telle question?» à «quelle idée géniale!» Les deux attitudes conviennent à André Gyr, car ce qui compte, c’est de susciter le débat. Sur le plan personnel aussi, des décès dans sa propre famille et l’avancée en âge de sa mère, ont chamboulé pas mal de choses. La phrase «Avant de mourir, je voudrais …» l’a fait réfléchir à ce qu’il souhaiterait lui aussi encore entamer dans sa vie, et comment il voudrait organiser ses vieux jours. Lors d’une soirée thématique ouverte à tout le monde portant sur «Le dernier mystère», il réunira ainsi en septembre des spécialistes pour débattre de questions universelles: que se passe-t-il exactement au moment de la mort? Un retour est-il réellement possible? Quel organe meurt en dernier? Avons-nous une âme? Combien de temps reste-t-elle de ce côté? Le directeur affirme que beaucoup de gens se posent ces questions. Il espère que les personnes présentes à la soirée trouveront ensemble un début de réponse (lire l’encadré). Quant aux tableaux noirs, ils partiront dans quelques semaines. Après une année, tous les gens du quartier qui le souhaitaient y ont écrit un message, généralement sincère. Certaines personnes ont peut-être un peu plaisanté, comme celle qui a écrit: «Donner une bonne gifle à quelqu’un.» Au cours de cette période, André Gyr a pris soin de ces tableaux, les nettoyant un nombre incalculable de fois au petit matin pour que de nouveaux mots y trouvent leur place et remplaçant les craies devenues trop courtes. Une tâche bien modeste en regard des effets produits, assure le directeur. Bientôt déjà, les tableaux seront accrochés à Oberarth (SZ), près de l’entrée du Kompetenzzentrum Gesundheit und Alter. «Mon collègue Stefan Imhof a été le plus rapide à se porter preneur. Le seul aussi!», reconnaît André Gyr. Jetant un œil sur les tableaux presqu’entièrement recouverts de mots, André Gyr n’est pas surpris par le peu d’empressement manifesté. Une telle question à côté de l’entrée d’un EMS? «Cela demande une bonne dose d’audace et d’engagement!» «La vie et la mort sont indissociables, mais souvent, nous occultons simplement la deuxième.» André Gyr, directeur de la maison de soins St. Johann, à Bâle BEFORE I DIE L’artiste new yorkaise Candy Chang a lancé le projet «Before I Die» en 2011, après le décès de son amie Joan, qu’elle considérait comme sa deuxième mère, «alors qu’elle voulait encore apprendre à jouer du piano, voir l’océan et vivre à Paris». Pour que les gens n’oublient pas leurs rêves et leur souhaits dans leur quotidien, Candy Chang a transformé une maison vide en un immense tableau noir avec cette phrase inscrite: «Before I die, I want to…». L’écho a été énorme et les murs ont vite été remplis. Des personnes venues de partout se sont annoncées pour participer et installer des murs. Aujourd’hui, 5000 murs ont vu le jour dans plus de 75 pays et 35 langues. En cliquant sur le lien ci-dessous, les personnes intéressées trouveront des instructions sur la façon de procéder. Les cinq grands tableaux resteront accrochés à l’entrée la maison de soins St. Johann, à Bâle, jusqu’à fin septembre, avant de partir pour Schwyz, au Kompetenzzentrum Gesundheit und Alter. TOOLKIT À TÉLÉCHARGER L’actu
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