Les entreprises sociales en mutation | Magazine ARTISET | 3-2023

ARTISET 03 I 2023 9 Le fait que les emplois à temps partiel ont une durée indéterminée y contribue de façon substantielle. «Cela évite que l’emploi à la Poste devienne une sorte de stage, où l’on peut rester trois mois avant de céder la place à quelqu’un d’autre.» Les personnes concernées doivent pouvoir rester même si, sur la durée, elles ne font pas de progrès vers l’employabilité. Mise en œuvre dans toute la Suisse Le projet de la Poste est surtout exceptionnel en ce sens qu’il ne concerne pas une collaboration entre une institution et un employeur au niveau local ou régional, mais qu’il a une envergure nationale. «La Poste est le premier groupe suisse à s’engager pour la participation des personnes ayant besoin de soutien sur le marché ordinaire du travail», explique Annina Studer, responsable du monde du travail chez Insos. Elle exprime ainsi l’importance qu’a le projet pour les entreprises sociales et les personnes qu’elles accompagnent tout en expliquant que la tâche des entreprises sociales est de permettre aux personnes vivant avec des handicaps assez importants, qui ne pourront probablement jamais exercer une activité lucrative classique, d’effectuer un travail utile. «En collaboration avec la Poste, ces entreprises peuvent maintenant offrir à ces personnes la possibilité de prendre part au marché régulier du travail.» Prenant conscience de l’importance du projet, les responsables de Poste CH Réseau SA ont institué une direction de projet en vue de sa mise en œuvre au niveau national. De plus, comme le précise Florian Fertl, un organe de consultation a été mis à disposition de la direction de projet pour la conseiller au départ. Annina Studer, de l’association de branche Insos, faisait partie de cet organe avec des représentant·es de plusieurs entreprises sociales et, entre autres, des représentant·es des autorités cantonales et de l’assurance-­ invalidité. «En tant qu’association de branche, nous y avons fait entendre la voix des entreprises d’intégration de la Suisse entière», explique Annina Studer. L’une des difficultés a par exemple été de tenir compte des différents modèles de collaboration entre les institutions et l’économie ainsi que des diverses législations cantonales, puis de trouver un dénominateur commun. Annina Studer ajoute que sur des questions spécifiques, dont le financement, Insos a été en mesure d’activer de façon ciblée son propre réseau, au sein de la branche et à l’extérieur. «Nous avons aussi délibérément recueilli les voix critiques.» Elle fait également remarquer que la Poste verse aux entreprises sociales un montant fixe par heure de travail effectuée dans ses filiales par les personnes en situation de handicap, ce qui est inédit. «De cette manière, la Poste indemnise la perte de production que la personne fournirait dans l’entreprise sociale.» Au fur et à mesure de l’avancement du projet, les débats sur des sujets controversés n’ont pas manqué. Selon Florian Fertl, ils ont été particulièrement vifs sur les questions de la «Des coopérations telles que celle avec la Poste sont aussi possibles avec d’autres entreprises.» Annina Studer, responsable du monde du travail chez Insos rémunération et de la charge de travail supplémentaire en raison des tâches d’accompagnement du personnel présent. Pour calmer de telles appréhensions, Florian Fertl précise que dans un premier temps, le nombre de personnes a été limité à cinquante jusqu’à la fin 2024. Important bénéfice social «Inclusion RéseauPostal» n’est pas gratuit. Il engendre pour la Poste un coût à ne pas sous-estimer, d’une part en raison de la rémunération des heures de travail effectuées, d’autre part du fait de l’introduction et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap sur leur lieu de travail. Selon Florian Fertl, la Poste est prête à s’en accommoder: «La Direction du groupe a confirmé son engagement.» Puis il souligne que les charges seront largement compensées par le bénéfice social, comme le montrent déjà les expériences de la phase pilote. «La collaboration avec des personnes en situation de handicap favorise l’esprit d’équipe», observe-t-il. Avoir de l’égard pour ses collègues entraîne une amélioration de la considération mutuelle, ce qui a un impact positif sur la collaboration. Le projet est également profitable pour les personnes vivant avec un handicap. Selon le bilan dressé par Adrian Kurzen, la quasi-totalité des collaborateur·trices de la Band-Genossenschaft ayant pris part aux projets pilotes ont aimé leur travail. «Porter le gilet de la Poste est source de fierté.» Dans le même temps, l’engagement a toutefois aussi été un défi. «Certaines personnes ont eu besoin de phases de récupération au sein de l’institution et d’autres sont arrivées à la conclusion que les emplois étaient trop exigeants pour elles», confie Adrian Kurzen. Annina Studer mise sur le rayonnement dans toute la Suisse du projet «Inclusion RéseauPostal», qu’elle qualifie comme étant «la poursuite systématique d’une stratégie d’inclusion au sein de l’entreprise qui permet de combler une nouvelle lacune en la matière». Et d’ajouter: «Des coopérations telles que celle avec la Poste sont aussi possibles avec d’autres entreprises.» Selon Annina Studer, les entreprises sociales et l’économie pourraient par ce biais se développer dans le sens de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées.

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