ARTISET 04 I 2023 45 Pour la première fois en Suisse, une formation de patientes et patients experts est proposée. Son but: renforcer le rôle des personnes concernées, mais aussi des proches, dans la recherche et les soins. Rencontre avec deux personnes ayant participé à cette formation. Stefan Aerni Quand Peter Schmied (nom d’emprunt) parle à quelqu’un, il ferme souvent les yeux. Il explique que cela l’aide à se concentrer et à mobiliser ses ressources. Car Peter, aujourd’hui âgé de 60 ans, souffre de narcolepsie et de brusques pertes du tonus musculaire, un phénomène que l’on appelle communément «maladie du sommeil». Il s’agit d’une maladie neurologique, dont les causes sont en partie génétiques: la partie du cerveau qui commande le rythme veille-sommeil est durablement atteinte. Elle produit trop peu d’hypocrétine, un neurotransmetteur qui, avec d’autres hormones du sommeil, détermine nos phases d’éveil et de sommeil. Lors des séances, il pique du nez Chez Peter Schmied aussi, la maladie s’est d’abord manifestée par des troubles typiques du sommeil et des faiblesses musculaires, appelés «cataplexies» dans le jargon médical. Dans son environnement professionnel, mais aussi parmi ses connaissances, sa somnolence fréquente et ses cataplexies suscitaient toujours l’incompréhension et des commentaires du genre «Tu travailles trop», «Il faut que tu te couches plus tôt» ou «Secoue-toi bon sang!». C’est à cause de ces réactions et préjugés implicites qu’il souhaite témoigner sous couvert d’anonymat. Après plusieurs années d’un périple d’examens médicaux auprès de différents médecins, la situation s’est enfin clarifiée: une équipe de neurologues de l’hôpital universitaire de Zurich a finalement découvert la maladie de Peter au moyen d’une ponction lombaire (analyse du liquide céphalorachidien) et de tests réalisés dans le laboratoire du sommeil. Pas encore de guérison possible, mais un espoir Depuis lors, il doit prendre de nombreux médicaments contre les symptômes pour s’en sortir: le jour, des stimulants le maintiennent éveillé et atténuent les paralysies musculaires, la nuit, des tranquillisants qui réduisent ses réveils nocturnes. Des petites siestes régulières, prévues ou non, sont aussi importantes pour son bien-être. Mais à ce jour, la narcolepsie est incurable. Peter Schmied a fini par s’arranger avec sa maladie, mais le prix à payer est élevé. Il a dû lever le pied dans son métier de conseiller, rendre son permis de conduire en raison de la gravité de sa narcolepsie, et il n’a plus le droit d’utiliser des machines dangereuses. De plus, il a renoncé à se rendre à des événements en société, parce qu’il pourrait s’endormir ou vexer les gens en fermant les yeux en pleine conversation. La narcolepsie est considérée comme une maladie rare: selon la Société suisse de narcolepsie (SSN), elle concerne environ une personne sur 5000, soit près de 1600 patientes et patients à l’échelle du pays. «Mais nous supposons L’actu COMMENT DEVENIR PATIENTE OU PATIENT EXPERT? Malgré tous les progrès médicaux, bien des maladies sont encore incurables aujourd’hui. Pour que la recherche puisse encore s’améliorer, elle entend impliquer davantage dans son travail les personnes concernées ellesmêmes, donc les patientes et patients ainsi que leurs proches, et profiter de leurs connaissances. Dans ce contexte, le département de recherche clinique de l’Université et de l’hôpital universitaire de Bâle a développé, en collaboration avec l’association Eupati Suisse et d’autres organisations partenaires, la nouvelle formation de «patiente experte et patient expert». La formation se déroule avant tout en ligne, avec quelques journées en présentiel à l’hôpital universitaire de Bâle. Des équipes de recherches, des médecins et des représentant·es des organisations de patient·es dispensent les cours. Les participant·es doivent s’acquitter d’une contribution aux coûts de CHF 600.–.
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