Coordonner l’accompagnement des personnes âgées Pour plus d’autonomie et de qualité de vie Décembre 2024 Un cahier thématique commun
Impressum: Cahier thématique conjoint • Éditeurs: ARTISET, Fondation Paul Schiller, Pro Senectute Suisse • Redaction: autrices et auteurs de ARTISET, Fondation Paul Schiller, Pro Senectute Suisse, Alzheimer Suisse, Service de relève Suisse, Gerontologie CH, Croix-Rouge suisse, senesuisse, Aide et soins à domicile Suisse • Correction: Stephan Dumartheray • Coordination: ARTISET, Zieglerstrasse 53, 3007 Berne • Téléphone: 031 385 33 33 • E-Mail: info@artiset.ch • Annonces: Zürichsee Werbe AG, Fachmedien • Graphisme et impression: AST & FISCHER AG • Réimpression, en tout ou partie, selon accord avec la rédaction et indication complète de la source. Coordonner l’accompagnement des personnes âgées Pour plus d’autonomie et de qualité de vie Décembre 2024
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Décembre I 2024 3 Message Accompagnement des personnes âgées: perspectives pour la Suisse «Un rôle porteur de sens au sein de la communauté est, aussi au grand âge, la base du bien-être physique et mental et d’une vie heureuse.» Le regard porté sur le grand âge est depuis toujours influencé par des normes et des idéaux de la société. Par le passé, on parlait de troisième âge, auquel est venu s’ajouter le quatrième âge. Je trouve cette perspective encourageante: à un moment donné, à la retraite, c’est comme une nouvelle vie qui commence. Une vie certes peut-être déjà marquée par des limitations, mais qui peut néanmoins être une vie de bonne qualité. L’âge est relatif, mais les besoins des personnes ne le sont pas. Tandis que la politique se préoccupe depuis longtemps de l’accès aux services de santé et aux soins ainsi que de la sécurité matérielle des personnes âgées, d’autres éléments doivent aussi être pris en considération. Les échanges sociaux, la stimulation intellectuelle, le soutien émotionnel et un rôle porteur de sens au sein de la communauté sont, aussi au grand âge, la base du bien-être physique et mental et d’une vie heureuse. Fort heureusement, ce domaine fait l’objet de nombreuses innovations. Je pense par exemple aux offres de proximité, aux prestations coordonnées de différents fournisseurs et aux colocations pour personnes âgées, qui constituent une nouvelle forme de communauté. De nombreuses offres dans le domaine de la vieillesse évoluent. Grâce à leur personnel très engagé, elles contribuent largement à ce que les personnes âgées puissent vieillir dans la dignité. Elles permettent de mener une vie bien intégrée et riche de sens, de découvrir de nouveaux loisirs, de créer de nouveaux liens et, pourquoi pas, de nouvelles amitiés. Nous voulons toutes et tous vivre nos vieux jours avec la plus grande autonomie possible. Heureusement, il existe aujourd’hui de nombreuses offres et formes de vie qui le permettent. Mais elles ne suffisent pas à elles seules. Les personnes âgées elles-mêmes doivent être prêtes à s’y engager. Et cela demande des efforts. Il faut du courage pour se confier aux autres. Il faut de la force pour reconnaître sa propre vulnérabilité et accepter de l’aide. C’est ce que je souhaite à nos personnes âgées ainsi qu’à leurs proches et familles. Quant aux personnes et aux institutions qui accompagnent, je leur souhaite beaucoup de force et de créativité pour continuer de développer ces prestations de manière innovante, afin de faciliter l’acceptation de l’aide. Elisabeth Baume-Schneider, conseillère fédérale Photo: màd
4 Décembre I 2024 Ce que signifie l’accompagnement Des définitions scientifiques donnent une orientation. Six champs d’action montrent la diversité des prestations d’accompagnement. Le plurilinguisme en Suisse invite à une réflexion sur le sens des mots. Un expert esquisse sa vision de l’avenir de l’accompagnement. Les besoins des personnes âgées Pouvoir vivre dans un environnement stimulant et cultiver ses propres intérêts: quatre personnes âgées dans différentes situations de vie se racontent. La solitude est un problème, comme le relève une déléguée aux personnes âgées. Le bien-être des personnes âgées passe par le répit apporté aux proches. Favoriser le maintien à domicile Entre travail de proximité, bureau d’information et réseau de coordination Organiser la vie en institution Quand les institutions se donnent le temps pour entretenir le lien et la vitalité du quotidien Communautés de soutien Des quartiers, des communes et des régions encouragent le vivre ensemble et l’entraide Développements politiques actuels De nombreuses villes, communes et cantons ont élaboré des stratégies et projets dans le domaine de la vieillesse. Au niveau fédéral, des décisions concrètes sont encore à venir. Des actrices et acteurs aux différents niveaux de l’État, de l’administration et de la politique, s’expriment sur la direction à prendre. Des organisations prennent position Garantir l’accès à l’accompagnement pour tout le monde, favoriser le dialogue entre les partenaires ou impliquer les professions sociales: les associations et organisations s’y engagent. Bonne pratique Bonne pratique Bonne pratique Sommaire 06 44 52 26 14 36 64
Décembre I 2024 5 Christina Zweifel, directrice de Curaviva et membre de direction d'Artiset Maja Nagel, membre du conseil Fondation Paul Schiller Alain Huber, directeur Pro Senectute Suisse Chère lectrice, cher lecteur, Artiset, avec Curaviva, la Fondation Paul Schiller, Pro Senectute Suisse et six autres organisations s’engagent toutes pour que les personnes âgées puissent vieillir dans la dignité, et coopèrent régulièrement sur le plan professionnel et au niveau politique stratégique afin de faire entendre leurs principales revendications communes. En publiant conjointement cette édition dédiée à l’accompagnement des personnes âgées, nous portons pour la première fois cette collaboration au niveau rédactionnel. Nous souhaitons ainsi continuer d’encourager le débat public sur un thème important pour l’ensemble de la société. Le thème de l’accompagnement gagne en dynamisme dans le monde professionnel et dans les milieux politiques. C’est ce que montrent des études scientifiques et les développements de la pratique. De plus, à tous les niveaux de l’État, dans les communes et les villes, dans les cantons et au niveau fédéral, des projets politiques, portant sur des prestations d’accompagnement abordables, sont en voie de réalisation ou déjà en œuvre. Les prises de position des autorités, des responsables politiques et des neuf organisations participant à la présente publication témoignent d’une prise de conscience grandissante quant à l’importance d’un accompagnement professionnel et de qualité. Les articles rédigés par les autrices et auteurs des associations et organisations montrent clairement que l’objectif de l’accompagnement psychosocial vise à renforcer les compétences de vie des personnes âgées. Malgré les déficits et les fragilités croissantes, elles doivent pouvoir déterminer ellesPhoto de couverture: dans la fondation pour personnes âgées de Münsingen (BE), les activités favorisant le vivre ensemble, comme ici la pâtisserie, sont privilégiées. Photo: Stefan Marthaler/Stiftung für Betagte Münsingen mêmes leur quotidien, participer et contribuer à la vie sociale, peu importe qu’elles vivent chez elles, dans un logement adapté ou en EMS. Pour cela, elles ont besoin de savoir que quelqu’un veille à leur bien-être personnel, en accord avec elles et sur un pied d’égalité. L’accompagnement doit reposer sur une conception de la vieillesse centrée sur les ressources et non sur les pertes. Dans cette perspective, les prestations d’accompagnement doivent aller au-delà de l’aide aux tâches de la vie quotidienne et des soins et proposer un soutien psychosocial. Une telle compréhension globale de l’accompagnement nécessite la collaboration et le renforcement des partenaires professionnels et des différents groupes de métier, chacun avec son savoir-faire spécifique. Outre les proches, d’autres groupes informels de la société civile, comme les voisins, les amis et les bénévoles, jouent un rôle essentiel. Des exemples issus de toute la Suisse illustrent bien le fonctionnement de cette collaboration dans diverses formes d’habitat et lieux de vie. Nous continuerons de suivre de près les développements dans ce domaine. Éditorial
6 Décembre I 2024 Décider de son quotidien et entretenir les liens sociaux Repas en commun à la Résidence Oassis à Crissier (VD), un immeuble d’appartements protégés. Deux référentes sociales sont toujours là quand on a besoin d’elles. Lire l’article à ce sujet dans ce numéro, page 52. Photo: Darin Vanselow
Décembre I 2024 7 Principes de base et prises de position De nombreuses personnes âgées ont besoin de soutien au quotidien. Souvent, et bien avant que des soins ne soient nécessaires, il s’agit de maintenir les contacts sociaux, de renforcer le sentiment de sécurité et d’assurer le bien-être psychique. C’est là qu’intervient l’accompagnement psychosocial. Mais que faut-il entendre par-là? Et comment mieux en exploiter le potentiel? Gaby Wyser et Miriam Wetter (Fondation Paul Schiller) Le grand âge est généralement associé aux déficits: puisque leur condition physique et psychique diminue, les personnes âgées connaissent de plus en plus de limitations. Leur périmètre de déplacement se réduit, ainsi que leur cercle social. Elles ont besoin de soutien pour leurs activités quotidiennes et la mise en place de thérapies diverses permet de retarder les fragilités. Mais cela ne suffit pas toujours. Les personnes âgées doivent être considérées dans leur ensemble, en incluant tous les domaines de la vie et en tenant compte de la complexité de chaque individu, avec son parcours de vie, ses expériences, ses forces et ses centres d’intérêt. Outre l’état physique et mental, il faut aussi porter une attention particulière à l’environnement social, au milieu culturel et à la situation financière. Quelles forces et quelles ressources les personnes âgées peuvent-elles mettre à profit et apporter? Quelles sont les limites et les difficultés dont il faut tenir compte? L’impact de l’accompagnement psychosocial Si nous considérons la vieillesse d’un point de vue des ressources, vieillir signifie alors bien davantage que veiller à ne pas chuter ou tenir sa maison impeccablement. Il s’agit de permettre des activités satisfaisantes qui rythment le quotidien et de donner du courage. Les personnes âgées doivent pouvoir maintenir et renforcer leurs compétences de vie, leur liberté de choix et leur participation sociale, même si elles ont besoin de soutien. Un bon accompagnement des personnes âgées doit viser ce but et contribuer à ■ promouvoir la santé psychique et l’autodétermination; ■ améliorer la qualité de vie; ■ prévenir l’isolement social, la solitude et l’abandon. Il est indéniable qu’un bon accompagnement favorise l’autonomie des personnes âgées. Il retarde ou évite leur entrée en EMS et permet de mieux prévenir les problèmes de santé, tant chez les personnes âgées elles-mêmes que chez les personnes proches aidantes. Cela soulage finalement le système de santé et réduit les coûts. Diverses études récentes ont montré qu’il existait une lacune en matière de soins en LE THÈME DE CETTE ÉDITION Pendant longtemps, la notion d’accompagnement (ou de prise en charge) est restée ambiguë. Aujourd’hui, il existe des définitions scientifiquement fondées, qui ont été développées et concrétisées avec l’aide de spécialistes de la pratique. Une étude de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) publiée en 2023 en donne la définition suivante: «L’accompagnement permet aux personnes âgées d’organiser leur quotidien de manière autonome et de participer à la vie sociale lorsqu’elles n’y parviennent plus seules comme elles le souhaitent en raison de leur situation de vie ou de troubles physiques, psychiques et/ou cognitifs.» Selon cette étude, un bon accompagnement possède les quatre qualités suivantes: il est centré sur la personne, global, coordonné et accessible. La présente édition met en lumière la valeur élevée que revêt un «accompagnement coordonné» pour les personnes âgées et pour la société et la manière de le réaliser. En raison de son orientation vers la santé psychique et sociale, on parle aujourd’hui d’un accompagnement psychosocial. Il ne consiste pas à simplement décharger les personnes âgées de leurs tâches quotidiennes et veiller à leur bonne exécution: il a plutôt pour ambition de les inciter à (re) mettre à profit et renforcer leurs compétences et leurs capacités, à apprendre de nouvelles choses et à entretenir leurs relations. Suisse et que le besoin d’accompagnement des personnes âgées n’était pas couvert. Une forme de soutien à part entière Un bon accompagnement psychosocial, axé sur la santé psychique et sociale, est une forme de soutien à part entière, en plus des soins et de l’aide. L’accompagnement est aussi diversifié que les besoins des personnes. Un catalogue
8 Décembre I 2024 exhaustif de prestations ne suffit pas à définir ce qu’est un bon accompagnement. Plus pertinents, selon le «Guide pour une bonne prise en charge», sont les exemples de prestations d’accompagnement dans six champs d’action: prise en soin de soi, organisation du quotidien porteuse de sens, participation sociale, conseil et coordination au quotidien, gestion conjointe du ménage et accompagnement pour les soins. Cette édition présente des exemples provenant de toute la Suisse, illustrant concrètement ce que signifie l’accompagnement dans toutes les formes d’habitat, que ce soit à domicile, dans des structures de jour et en EMS. En Suisse, de nombreuses organisations proposent des prestations d’accompagnement en se fondant sur la définition susmentionnée. Dans ce cadre, l’interaction entre ces prestataires et les autres personnes engagées dans la prise en soin est centrale. Actuellement, l’accompagnement des personnes âgées est très largement assumé par les proches, souvent avec le soutien du voisinage, des connaissances et des bénévoles. Toutefois, en raison de l’évolution de la société, les membres de la famille assurent de moins en moins l’accompagnement: soit ils habitent trop loin ou sont trop occupés par leur travail, soit les personnes âgées n’ont pas ou plus de proches. Il arrive aussi que les relations familiales soient problématiques ou que les personnes proches aidantes soient dépassées. L’accompagnement ne peut bien fonctionner qu’avec la collaboration entre les divers groupes professionnels et l’implication des organisations, des proches et des bénévoles. En fonction de la situation et de son évolution, les différentes parties prenantes ne sont pas sollicitées de la même manière. Les cas complexes présentent des défis plus importants et requièrent l’intervention de personnes qualifiées. Principes de base et prises de position Les personnes âgées doivent pouvoir maintenir et renforcer leurs compétences de vie, leur liberté de choix et leur participation sociale, même si elles ont besoin d’aide. Établissements médico-sociaux intermédiaire Stationnaire Modèle de phases accom- pagnement Proches Phase 5 Phase 6 Phase 1 Phase 3 Phase 4 Phase 2 Soins palliatifs Voisins et connaissances Bénévoles à domicile Prestataires Selon le type d’habitat et le degré de fragilisation des personnes âgées, différentes prestations d’accompagnement et différents prestataires sont concernés en priorité. Graphique: Fondation Paul Schiller
Décembre I 2024 9 Une relève efficace à domicile L‘étude « Les effets de la relève » montre que le soutien à domicile permet d‘éviter l‘entrée en institution des personnes âgées, d‘améliorer la conciliation entre vie professionnelle et soins et peut contribuer à la réduction des coûts de santé. Plus d‘informations sous: www.entlastungsdienst.ch Bien accompagné. Annonce La valeur ajoutée des métiers du social Mais qui donc peut fournir un accompagnement professionnel? Il ressort clairement de la définition ci-dessus que les métiers du social peuvent grandement contribuer à un accompagnement coordonné et de qualité. Les métiers de l’éducation sociale, de l’assistance socio-éducative, de l’animation socioculturelle, de l’accompagnement social et de bien d’autres encore apportent des compétences et des méthodes à différents niveaux de formation qui sont tout à fait adaptées à la dimension psychosociale de l’accompagnement. Des équipes interdisciplinaires et des responsables ayant une formation sociale sont indispensables pour développer un accompagnement coordonné et l’ancrer dans les établissements. Exploiter le potentiel En attendant que l’accompagnement psychosocial soit reconnu et mis en œuvre comme composante logique de service public dans le domaine du social et de la santé, la politique, l’administration et la pratique sont sollicitées. Les développements les plus urgents sont les suivants: ■ Financement: les personnes à faible revenu ou qui n’ont pas d’environnement social adéquat doivent aussi pouvoir bénéficier d’un accompagnement. Des modèles de financement adaptés existent. Les efforts d’économies ne doivent pas entraver les débats politiques à ce sujet, ou nous en paierons le prix dans les décennies à venir. ■ Accès: actuellement, la question de savoir qui décide du besoin et de la forme d’accompagnement appropriée n’est pas clarifiée. Il convient de définir des compétences et des procédures qui impliquent directement les personnes âgées. Par ailleurs, l’offre d’accompagnement psychosocial doit être développée en fonction des besoins. ■ Personnel compétent et ancrage dans la gestion: les métiers du social sont l’une des clés pour mettre en œuvre l’accompagnement psychosocial, à tous les niveaux hiérarchiques. En raison de la pénurie de personnel qualifié, on assiste actuellement à un changement de mentalité qu’il convient d’encourager, tant dans la formation que dans la pratique. Il est aussi important d’inscrire les bases de l’accompagnement psychosocial dans les lignes directrices, les stratégies, les concepts d’établissement ou encore les plans d’effectifs des organisations. ■ Action coordonnée: dans le cadre de l’accompagnement, la coordination entre les fournisseurs de prestations, et en particulier entre eux et les familles et bénévoles, est essentielle pour assurer un soutien efficace. Ainsi, la gestion des cas, la planification conjointe de l’offre et les offres coordonnées permettant des transitions douces doivent être privilégiées dans le travail spécialisé. ■ Soulagement des proches: de bonnes solutions sont nécessaires pour les soulager et protéger leur santé ainsi que leur situation financière, car ils continueront de jouer un rôle central dans les dispositifs destinés à garantir un bon accompagnement. ■ Assurance qualité: le but est d’offrir un accompagnement de qualité permettant d’atteindre les objectifs d’impact visés, telles que la participation sociale et la santé psychique, et de contribuer ainsi à la réduction des coûts de la santé. À cette fin, il faut une conception de la qualité ainsi qu’un examen et un développement des offres en conséquence. Pour créer, dans toute la Suisse, une offre de prestations d’accompagnement de qualité à laquelle toutes les personnes âgées ont accès indépendamment de leur forme d’habitat, nous avons besoin des structures, concepts et modèles de financement nécessaires et devons exploiter, à tous les niveaux, le potentiel des métiers du domaine social. Les articles qui suivent et les nombreux exemples dans toute la Suisse le montrent: l’accompagnement psychosocial, proposé par des spécialistes ou effectué à titre bénévole, peut grandement contribuer à la qualité de vie des personnes âgées et alimenter les débats politiques et sociétaux actuels. Plus d’infos: ➞ bienvieillir.ch
10 Décembre I 2024 Principes de base et prises de position Le plurilinguisme de la Suisse est une richesse. Un défi aussi lorsqu’il s’agit de traduire des concepts issus de cultures différentes. La recherche de la juste terminologie conduit à s’interroger sur la signification du mot, sur le sens qu’il véhicule et sur l’évolution qu’il reflète dans un cadre donné. Il en va ainsi de la traduction du mot «Betreuung» dans le contexte de la vieillesse et du vieillissement. Anne-Marie Nicole (Artiset) L’importance des mots «Koordinierte Betreuung im Alter». C’est le titre allemand de cette édition spéciale du magazine Artiset. Dès la première séance de rédaction, qui a réuni durant l’été les représentantes et représentants des neuf organisations participant au projet, la question s’est rapidement posée: comment traduire ce terme de «Betreuung» en français? Prise en charge? Un terme qui fleure bon les années soixante, remarque Alexandre Lambelet, professeur associé de la Haute école de travail social et de la santé à Lausanne (HETSL). Nul besoin de remonter aussi loin dans le temps: l’expression de «prise en charge» pour traduire «Betreuung» est encore d’actualité dans de nombreux documents de référence des politiques publiques en faveur des personnes âgées et largement utilisée par les différents services et départements de la Confédération. Pourtant, sur le terrain, le terme hérisse: la personne âgée serait-elle donc une charge, un poids, un fardeau? Le professeur de la HETSL ne manque d’ailleurs pas de rappeler qu’au début des années 2000, les co-présidentes du Conseil suisse des aînés alors fraîchement constitué avaient rédigé un éditorial dans lequel elles demandaient que les seniors ne soient pas «pris en charge», mais «pris en considération». Recherche de l’expression adéquate «L’expression de prise en charge laisse entendre que la personne est passive et dépendante. Elle renvoie l’idée d’une relation asymétrique et focalise sur les fragilités et les vulnérabilités», relève Alexandre Lambelet. Sa collègue Valérie Hugentobler, elle aussi professeure à la HETSL, est catégorique: «En sciences humaines et sociales, c’est une terminologie que l’on ne peut plus utiliser.» Et de fait, l’expression de prise en charge ne trouve plus guère grâce aux yeux des milieux professionnels du domaine de la vieillesse, qui lui préfèrent incontestablement le terme d’accompagnement. Car effectivement, ce vocable reflète mieux le référentiel actuel de la vieillesse et du vieillissement qui intègre les notions d’autonomie, d’autodétermination, de participation et de citoyenneté, et qui privilégie des approches centrées sur la personne. «Accompagner, c’est
Décembre I 2024 11 cheminer avec la personne, avancer côte à côte, d’égal à égal; c’est faire avec elle et non à sa place, en fonction de ses attentes et de ses besoins, en apportant un soutien là où il est nécessaire», résume Valérie Hugentobler. Cette question de terminologie estelle le reflet d’une évolution des pratiques? Le vocabulaire associé à la vieillesse peut-il changer les représentations sur les personnes âgées vulnérables et améliorer leur accompagnement? Valérie Hugentobler et Alexandre Lambelet sont particulièrement attentifs au choix des mots dans leurs enseignements. «Le choix des mots n’est pas neutre. En tant que scientifique, dans mes enseignements, je suis très attentive à l’usage et à la définition des termes utilisés. Il est important de ne pas faire l’économie de cette réflexion dans le cadre de la formation», affirme la première. Pour le second, la mobilisation d’un vocabulaire plutôt qu’un autre risque de renforcer des stéréotypes liés à l’âge et aura des incidences concrètes sur la façon de prendre soin des personnes. «Les mots ont un impact. Pour des étudiantes et étudiants, il est difficile de se projeter dans un travail où les personnes sont considérées comme une charge. L’idée n’est pas de nier la dépendance ni les handicaps liés à l’âge, mais d’ouvrir la perspective d’être en lien avec la personne et pas uniquement dans l’accomplissement d’une tâche.» Absence de définition claire et uniforme Au-delà de la portée plus humanisante du terme d’accompagnement, Fabienne Pauchard s’interroge sur ce qu’il recouvre. Responsable chez Artiset du développement des professions et du personnel du domaine des personnes âgées de Suisse latine, elle regrette l’absence d’une définition claire qui permettrait de décrire ce qu’on fait: on aide, on soutient, on assiste. Il est important de se rendre compte que la dimension psychosociale de l’accompagnement ne se limite pas aux activités sociales, mais touche à toutes les situations de vie de la personne et dans toutes les prestations d’aide et de soins. Si la traduction française du terme de «Betreuung» peut poser problème, la signification qu’il revêt n’est pas toujours claire non plus dans le monde germanophone. «Le domaine du soutien aux personnes âgées est bien trop large et complexe pour le résumer en un seul terme», affirme Rebecca Durollet, responsable de formation et de projets de politique sociale au Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud. Elle est aussi chercheuse et, à ce titre, a collaboré à l’étude «Vieillir sans soutien de la famille», publiée en mai 2023 et réalisée par la Haute école du nord-ouest de la Suisse (FHNW). Dans ce cadre, elle a constaté que tout le monde n’avait pas la même compréhension du terme «Betreuung», peinant parfois à le différencier de l’aide (Hilfe) et des soins (Pflege), tant le champ d’action qu’il recouvre est vaste et les acteurs qu’il implique sont multiples: la famille, les proches, le voisinage, les bénévoles, les équipes professionnelles… «Nous avons aussi longuement discuté de la bonne terminologie à adopter pour la traduction française de l’étude», raconte-t-elle. Le choix s’est finalement porté sur l’expression «accompagnement psychosocial», une expression qui englobe à la fois les dimensions sociale, individuelle et professionnelle du soutien apporté. «Mais il serait important de disposer d’une définition claire qui soit en phase avec la réalité du terrain», reconnaît-elle. Une politique de la vieillesse dépassée «L’accompagnement reste un concept mou et protéiforme, qui se construit et se modifie au fil du temps», remarque Valérie Hugentobler. Peut-être qu’une réponse plus claire pourrait émerger des discussions politiques à venir. À l’origine, les politiques de la vieillesse se limitaient à la protection de la santé et à la sécurité matérielle et financière. Avec le temps, ces politiques de la vieillesse ont intégré une multitude de champs d’intervention, de référentiels plus larges issus d’organisations internationales (ONU et OMS), lesquels enrichissent la réflexion sur la façon de concevoir le travail avec et auprès des personnes vieillissantes. Ce faisant, les pratiques sont remises L’expression de prise en charge ne trouve plus guère grâce aux yeux des milieux professionnels du domaine de la vieillesse, qui lui préfèrent incontestablement le terme d’accompagnement. Ce terme intègre la notion d’autodétermination et privilégie l’approche centrée sur la personne.
12 Décembre I 2024 Trends und Perspektiven im Gesundheitswesen Machbarkeit — Finanzierbarkeit — Ethik Elisabeth BaumeSchneider Bundesrätin, Vorsteherin EDI Regina E. Aebi–Müller Professorin für Privatrecht und Privatrechts- vergleichung, Uni Luzern Stephen Jenkinson Leiter Innovationen PharmaSuisse; Dozent Universität Bern Roland Kunz Leitender Arzt Akutgeriatrie, Spital Herisau 26. und 27. März 2025 KKL Luzern Informationen und Anmeldung trendtage-gesundheit.ch Annonce en question et la terminologie avec. «Contrairement à certaines politiques cantonales plus actuelles et complètes, la politique de la vieillesse commence à dater en Suisse. Elle doit être repensée», observe Valérie Hugentobler. En mars 2024, le conseiller aux États schaffhousois socialiste Simon Stocker a déposé un postulat en faveur d’une mise à jour de la politique nationale de la vieillesse. Il demande que les fondements de la politique de la vieillesse soient réévalués et adaptés aux évolutions démographiques, politiques, sociales et scientifiques. Il charge le Conseil fédéral de réexaminer sa stratégie vieillesse datant de 2007 et de l’actualiser en intégrant «des acteurs pertinents». De tels acteurs auront leur rôle à jouer pour alimenter la réflexion sur les nouveaux modèles d’accompagnement et veiller à adopter un vocabulaire adéquat. La responsabilité est grande puisque l’usage répété de ce vocabulaire par les milieux professionnels, associatifs, scientifiques et politiques va le stabiliser, l’ancrer et l’institutionnaliser. La traduction est aussi un enjeu de taille, particulièrement quant à l’équivalence de signification. Elle exige du traducteur une connaissance fine du domaine, de ses tendances et de son évolution. La spécialisation est d’autant plus importante s’il s’agit de textes appelés à être diffusés et servir de référence, à l’instar d’un lexique partagé.
Décembre I 2024 13 Principes de base et prises de position Regard vers le futur: l’accompagnement est un service public Une réflexion de Carlo Knöpfel, Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW) En tant que baby-boomer, j’ai grandi avec la certitude suivante: lorsqu’un problème de société surgit, l’État social le résout. C’est remplie de cette attente que la génération la plus nombreuse aborde la vieillesse, posant ainsi des exigences à la politique et à la société. À quoi pourrait donc ressembler une solution qui ferait de l’accompagnement des personnes âgées une activité de service public? ■ En tant que senior, je suis accompagné, ainsi que mon entourage, tout au long du processus de fragilisation. À domicile, dans un logement adapté, puis en EMS, mes besoins en accompagnement sont régulièrement évalués. ■ Pour les parties prenantes, une chose est claire: une bonne prise en soin n’est possible que si les proches, les équipes professionnelles et les bénévoles agissent de concert. ■ Un service coordonne l’ensemble et apporte son aide pour que je prenne les bonnes décisions au bon moment. Il est indépendant et ne propose pas de prestations d’accompagnement. Il dispose toutefois de la compétence nécessaire pour agir si une partie prenante ne respecte pas ses engagements ou si la qualité n’est pas au rendez-vous. ■ Le travail de care non rémunéré effectué par les proches, les connaissances, le voisinage et les bénévoles reste capital. Afin de garantir la qualité et l’organisation de l’accompagnement, les structures professionnelles des communautés de soutien et des organisations d’intervention dans le domaine du bénévolat sont renforcées. Elles viennent en complémentarité, accompagnent les bénévoles dans leurs missions et proposent des formations continues. Des offres de répit pour les proches sont développées afin de préserver leur santé et leur situation financière. ■ Les personnes qui ont besoin d’accompagnement pour mener une vie autonome peuvent y recourir, qu’elles soient riches ou pauvres. L’allocation pour impotent est transformée en allocation d’accompagnement. Les montants des prestations sont revus à la hausse, et les tarifs élaborés de manière socialement acceptable. Bien entendu, ce bref regard vers le futur laisse de nombreuses questions en suspens. Le financement est une question particulièrement urgente: la logique politique est plutôt à l’économie. Cependant, la société doit être prête à mobiliser des fonds pour un accompagnement de qualité afin que les personnes âgées puissent mener une vie autonome le plus longtemps possible et vieillir dignement. Car nous ne pourrons ni construire des EMS en nombre suffisant pour nous, baby-boomers, ni trouver le personnel nécessaire. Les premiers pas que l’on fait aujourd’hui sont encore hésitants, mais donnent des raisons de croire que la prise de conscience va s’intensifier et permettre le développement d’une bonne solution. Cela en vaut la peine, pour les personnes âgées, leurs proches, les gens des métiers du domaine social et de la santé, la société et, finalement aussi, les finances. Carlo Knöpfel, FHNW. Photo: màd
14 Décembre I 2024 Rencontrer les gens là où ils sont
Décembre I 2024 15 Même si le travail de proximité auprès des personnes âgées en est encore à ses débuts, il comble déjà des lacunes dans la prise en soin et permet d’atteindre plus facilement ces personnes. C’est ce que montrent les démarches de l’association Fundus Basel et le service de conseil hors murs d’Alzheimer Zurich. Pour se développer, de tels projets ont besoin de soutien financier. Alexander Seifert (Gerontologie CH) et Elisabeth Seifert (Artiset) La Neuweilerplatz dans le quartier bâlois de Neubad, une zone résidentielle à l’ouest de la ville, est un lieu animé, avec des magasins et des services. C’est aussi l’un des endroits du quartier où l’on a de bonnes chances de croiser Karin Predieri. Elle est animatrice socio-culturelle et directrice de Fundus Basel, l’association pour le travail de proximité auprès des personnes âgées. «Nous sommes là où les gens, en particulier les personnes âgées, font leurs courses ou vont chez le coiffeur», explique-t-elle. Elle se déplace avec un vélo-cargo chargé de dépliants et de matériel d’information d’une cinquantaine d’organisations actives dans le domaine du grand âge. Ils servent de première réponse à diverses questions et problématiques. En ce mardi matin de début octobre, Karin Predieri rencontre beaucoup de visages connus et engage aussi la conversation avec quelques personnes qu’elle n’avait jamais vues, dont une dame qui lui confie qu’elle a besoin de soutien pour préparer le repas de midi. Elle explique que son mari est en situation de handicap et qu’elle ne parvient plus à gérer la situation seule. Karin Predieri attire son attention sur une Table de midi située à proximité qui propose également la livraison de repas à domicile. Comme la dame est de langue maternelle française, elle poursuit la conversation en français. «Il faut beaucoup de tact pour gagner la confiance des gens», elle le sait. Et c’est nécessaire pour pouvoir les aider vraiment. Au fil de la conversation, la professionnelle se rend compte que la dame a peut-être besoin de soutien supplémentaire et lui propose de passer chez elle un autre jour pour lui expliquer plus en détail les différentes offres. La dame accepte. En plus de Karin Predieri, deux autres professionnels sillonnent les rues de Bâle, dans le quartier de Schoren du Petit-Bâle, là où tout a commencé il y a quelques années, et dans le quartier limitrophe de Hirzbrunnen. À Bâle, le travail hors murs auprès des personnes âgées est en effet né du travail de quartier à Hirzbrunnen, qui a mis en évidence le besoin de soutien exprimé par beaucoup de personnes âgées. C’est ainsi que l’association Fundus Basel a vu le jour en novembre 2019. Depuis lors, elle se finance à l’aide de dons de fondations diverses. Karin Predieri l’a rejointe il y a deux ans. Collaboration étroite avec le réseau Dès le début de son activité, l’association a privilégié la collaboration avec des organisations engagées en faveur des personnes âgées. «Notre mission est d’atteindre les personnes âgées vulnérables et de les orienter vers l’offre adaptée.» Karin Predieri a déjà réussi à adresser une dame atteinte de troubles cognitifs et ses proches aux services spécialisés adéquats. Elle a renseigné d’autres personnes à propos des services de transport, de livraison de repas et de visite à domicile. Elle reçoit régulièrement des demandes de conseil sur des questions juridiques et financières. L’animatrice socio-culturelle remarque toutefois qu’il faut déjà entretenir de bonnes relations avant de pouvoir aborder de tels sujets, d’où l’importance de sa présence dans le quartier. «Dans un premier temps, les personnes âgées veulent simplement discuter. Nous les écoutons et leur posons des questions. Une certaine confiance s’installe, de sorte que si la personne a un problème, elle s’adressera à nous», explique Karin Predieri. «Nous recevons beaucoup de reconnaissance pour notre travail.» Pour autant, il y a encore beaucoup de personnes âgées vulnérables difficiles à atteindre malgré le travail de proximité. La mission est donc loin d’être terminée, d’où l’urgence de disposer de fonds supplémentaires. Une collaboratrice de Fundus Basel s’entretient avec une passante âgée, à Bâle. Toujours avec elle: le vélo-cargo contenant du matériel d’information de nombreuses organisations. Photo: Fundus Basel Bonne pratique
16 Décembre I 2024 Le conseil hors murs d’Alzheimer Zurich Rencontrer les gens là où ils vivent: c’est le cœur du travail hors murs auprès des personnes âgées. Selon la définition qu’en fait Riccardo Pardini, chercheur dans le domaine du vieillissement à la Haute école spécialisée bernoise, le travail de proximité consiste à nouer et entretenir les contacts avec les personnes âgées dans leur espace social, à écouter leurs besoins et préoccupations, à les informer des offres (de soutien) existantes et à les orienter en conséquence. Cette démarche hors murs se concentre sur les relations psychosociales avec les personnes âgées et sur leur mise en lien avec les prestations de proximité favorisant leur autonomie de vie aussi longtemps que possible dans leur environnement familier. Ce travail est donc un volet important du travail d’accompagnement dans le quartier. Selon l’orientation choisie, le rayon d’action peut s’étendre sur un ou plusieurs quartiers, communes ou même régions. De plus, les projets diffèrent fortement par l’intensité des recherches de contact avec les personnes âgées. Leur point commun est l’intervention mobile à l’extérieur, en des endroits souvent fréquentés par les personnes âgées, comme les places, les rues marchandes, l’entrée des pharmacies, les arrêts de bus, ou lors de manifestations sociales et culturelles. Ces projets viennent souvent compléter les bureaux d’information habituels. Contrairement au travail de rue ou au travail social auprès des jeunes que l’on connaît depuis longtemps déjà, les projets de travail de proximité auprès des personnes âgées sont encore pionniers en Suisse. Des données doivent encore être collectées dans ce domaine. Hormis Fundus Basel, d’autres projets existent, comme le travail mobile auprès des personnes âgées de la ville d’Aarau, le réseau des personnes âgées de Gantrisch, l’Infobus «mobil bi dir» de Pro Senectute des deux Bâle et le conseil hors murs d’Alzheimer Zurich, sous l’appellation de «Zugehende Beratung». «Cette offre de conseil complémentaire peut être sollicitée par téléphone, au centre de conseil, ainsi qu’à domicile», explique Irène Taimako, d’Alzheimer Zurich. Elle dispense des conseils spécialisés aux proches de personnes avec des troubles cognitifs tout au long de leur maladie. L’accompagnement dans la durée répond au besoin des proches aidantes et aidants de trouver ensemble des possibilités de répit et une certaine marge de manœuvre. L’objectif du conseil de proximité, qui pénètre dans la sphère privée des personnes concernées et propose une aide proactive, est d’instaurer une relation de confiance continue. Personne de contact en charge de la coordination Selon Riccardo Pardini, l’approche hors murs a l’avantage de rompre avec le modèle traditionnel selon lequel c’est aux personnes âgées de se déplacer dans les centres de conseil (structures fixes). On vise désormais à atteindre les personnes vivant dans la précarité ou qui, en raison d’une mobilité réduite, ne peuvent pas consulter les centres de conseil éloignés. La honte, l’absence d’infrastructure ou la crainte des coûts peuvent aussi être des obstacles invisibles. Le travail de proximité auprès de cette population peut précisément combler une lacune de la prise en soin. Pour ce faire, l’offre doit être présente dans la vie quotidienne des groupes cibles, dans des lieux publics ou au moins semi-publics, avec des personnes de contact. Accessibilité et visibilité en sont la base. Le chercheur ajoute que la présence régulière en un endroit contribue à renforcer la confiance et que les offres sur place peuvent être variables. Souvent, il s’agit en priorité de prêter une oreille attentive aux questions de la population et de transmettre des informations. Le travail de proximité auprès des personnes âgées est donc surtout une antenne visible dans le quartier pour informer et conseiller sur les offres existantes, pour orienter les personnes vers des offres particulières, comme le bureau de conseil de la commune. Dans ce travail de proximité, l’accompagnement coordonné n’implique pas forcément de proposer soi-même toutes les offres, mais plutôt d’orienter les personnes âgées vers les bons services. Il s’agit donc d’une prestation complémentaire permettant notamment de promouvoir les offres sur place. En fin de compte, le travail hors murs auprès des personnes âgées est une démarche qui complète judicieusement le système d’accompagnement et qui favorise, grâce à son accessibilité, le contact avec le groupe cible que les offres traditionnelles n’atteignent pas. À l’avenir, il est souhaitable que de tels projets soient initiés et financés durablement, et qu’ils soient élargis à l’accompagnement des personnes âgées dans le domaine stationnaire. «De nombreuses personnes âgées veulent simplement discuter. Nous les écoutons et leur posons des questions. Une certaine confiance s’installe, ainsi la personne s’adressera à nous si elle a un problème.» Karin Predieri, animatrice socio-culturelle et directrice de Fundus Basel
Décembre I 2024 17 Pour s’y retrouver dans la diversité des offres, les centres d’information et de conseil pour les personnes âgées et leurs proches apportent une aide précieuse. En attestent des exemples dans certaines communes. Le service Beocare de la Croix-Rouge suisse dans l’Oberland bernois témoigne d’une forte demande en matière de conseil, surtout de la part des proches de personnes atteintes de démence. Nathalie Gerber (Croix-Rouge suisse) et Elisabeth Seifert (Artiset) Trouver l’offre appropriée Il existe de nombreuses offres de soutien dans le domaine de l’accompagnement, mais elles sont souvent méconnues des personnes concernées et de leurs proches. Il peut être compliqué de s’en faire une vue d’ensemble tout en gérant le quotidien. Un centre d’information et de conseil aide à s’y retrouver: des spécialistes y évaluent les besoins individuels, impliquent l’entourage et orientent vers les offres adaptées. Afin que les personnes âgées puissent être accompagnées dans leur environnement familier, la mise en réseau des différents acteurs s’impose. Important besoin d’information et de conseil En raison du fédéralisme, les prestataires qui interviennent auprès des personnes âgées sont légion, ce qui conduit à une grande variété de structures et de modèles. Il en va de même pour les centres d’information et de conseil. Tantôt les autorités com- munales gèrent leurs propres services d’information et centres de compétences, tantôt elles mandatent des organisations externes. À Baar, dans le canton de Zoug, des tables rondes ont par exemple été organisées avec les proches et les personnes âgées pour élaborer la stratégie vieillesse. Ce faisant, il est apparu qu’un service d’information s’imposait de toute urgence. En 2023, la commune a créé un tel service qui offre désormais des conseils et collabore étroitement avec des prestataires dans les domaines de l’accompagnement, de l’aide et des soins. La commune zurichoise de Horgen propose des prestations similaires depuis au moins dix ans. Un service informe, conseille, accompagne et soutient les personnes âgées et leurs proches dans les tâches administratives et les oriente vers les prestations d’accompagnement ou vers les mesures de soins appropriées. Il collabore étroitement avec d’autres fournisseurs de prestations et instances officielles de la commune. Le lieu de rencontre «Baumgärtlihof» et les immeubles intergénérationnels communaux facilitent l’accès direct de la commune de Horgen aux personnes âgées. Du personnel est présent dans ces lieux, assumant à la fois un rôle de point de contact et un travail de proximité. Ailleurs, c’est une organisation présente sur place qui est chargée d’assumer cette mission au niveau régional ou cantonal dans le cadre d’un contrat de prestations. Dans le canton de Thurgovie, par exemple, il s’agit du service cantonal pour les personnes âgées de la Croix-Rouge suisse Thurgovie, et en Valais, cette tâche est confiée à Pro Senectute: plusieurs communes du Bas-Valais soutiennent financièrement le Bureau régional d’information et de coordination seniors (BRIC), qui est géré par Pro Senectute et le centre médico-social (CMS) Bas-Valais. Bonne pratique
18 Décembre I 2024 Des équipes professionnelles du social et de la santé y conseillent et accompagnent également les personnes âgées en fonction de leurs besoins. Les offres d’information et de conseil sont mobiles dans les régions où la densité de la population est faible et où les trajets sont longs en raison de la topographie. La Croix-Rouge du canton de Schwyz se déplace dans beaucoup de communes du canton avec son stand «Mobile Info 60+». Elle veille à faire connaître les offres existantes d’autres organisations ou des communes, comme le «Senioren-Kafi» ou le «Senioren-Zmittag». Sur place, la Croix-Rouge suisse informe et conseille sur les prestations des différentes organisations cantonales, communales et privées dans le domaine du grand âge. Un service bien rôdé dans l’Oberland bernois Dans l’Oberland bernois, la CroixRouge suisse du Canton de Berne gère depuis plus de quinze ans déjà le service Beocare pour les proches aidantes et aidants. Au total, cinq collaboratrices et collaborateurs interviennent à Thoune, Interlaken, Meiringen, St-Stephan et Frutigen. Il est rare que quelqu’un se rende personnellement dans un centre d’information. «D’abord, les proches n’y pensent pas. Ensuite, c’est le temps qui vient à manquer, car la personne accompagnée ne peut pas rester seule et le trajet devient un obstacle», explique la responsable Ursula Imboden. Et de poursuivre: «Notre permanence téléphonique est accessible à tout le monde. Les personnes me considèrent comme une interlocutrice neutre, qui les écoute et les considère.» Néanmoins, les proches aidantes et aidants appellent souvent tardivement et ne se rendent pas immédiatement compte que c’est aussi pour eux-mêmes qu’ils appellent. En effet, ils ont davantage le souci de la personne aidée que le souci pour eux-mêmes. «Les enfants, notamment, ont généralement du mal à supporter la situation de leurs parents devenus dépendants», affirme Christina Meister, spécialiste de l’accompagnement chez Beocare. Et souvent, les parents ne sont pas (encore) prêts à accepter une aide. «Au fil de la conversation, j’incite les enfants Bonne pratique Ursula Imboden, responsable du service Beocare de la CRS dans l’Oberland bernois: cinq sites sont ouverts à la population pour des entretiens sur place. Les entretiens téléphoniques sont toutefois plus fréquents. Photo: CRS «La collaboration et les échanges avec d’autres prestataires sont extrêmement importants. C’est pourquoi le centre d’information de la CRS organise une réunion de réseautage deux fois par an.» Ursula Imboden, responsable du service Beocare de la CRS dans l’Oberland bernois
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